écolo j Liège dans la forêt d’Hambach

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La forêt d’Hambach est une très vieille forêt, une des plus vieilles de toute l’Europe, restée intacte depuis des millénaires. Elle est située en Allemagne, à mi-chemin entre Aix-la-Chapelle et Cologne. Cette forêt a été tellement bien préservée que certains considèrent quelques-unes de ses parties comme primaires. Autant dire qu’elle représente une petite perle de biodiversité au centre de l’Europe. A l’origine, cette forêt occupait 5 500 ha. Occupait, car aujourd’hui elle n’en fait plus que 1 100 ha…

En effet, le reste a été détruit par la RWE (la Reinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk) pour en faire une mine de lignite à ciel ouvert. C’est quoi la lignite ? C’est une sorte de charbon très sale et pauvre en énergie. Il faut donc en brûler beaucoup pour produire un peu d’énergie. En plus, ça pollue énormément. Il faut savoir que la réserve de lignite rhénane, dont la mine de Hambach fait partie, est le plus grand émetteur de CO2 en Europe. Elle produit plus de particules fines que l’ensemble du trafic automobile de toute l’Allemagne. Bref, l’impact de cette mine n’est pas très bon pour la santé des habitants environnants et est carrément désastreux pour l’environnement et le climat.

Depuis le 14 avril 2012, la forêt d’Hambach est occupée par des militants. Tentant de ralentir la destruction de la forêt en construisant des barricades, des cabanes et des abris dans les arbres, ceux-ci résistent tant bien que mal. Délogés à plusieurs reprises, ces militants ont à chaque fois reconstruit leur camp à d’autres endroits, tout en essayant de médiatiser un maximum leurs actions. A vrai dire, un tel combat parait aussi déséquilibré qu’une lutte gréco-romaine entre Mimie Mathy et David Douillet, mais la ténacité de cette poignée d’activistes écolo inspire le respect.

Ce type de résistance très concrète pour protéger des sites naturels de la folie d’exploitation capitaliste existe à d’autres endroits, comme la ZAD de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes, le mouvement NO TAV dans le Val de Suse, ou encore la lutte pour protéger la forêt de Khimki, dans la banlieue de Moscou.

écolo j Liège a donc décidé d’aller rendre visite à ces militants allemands. Pour les rencontrer et les soutenir, mais aussi pour se rendre compte des gigantesques destructions causées par la mine, collecter des témoignages et essayer de faire connaître cette lutte dans nos réseaux.

C’est donc par une douce matinée de novembre, le samedi 2 plus précisément, que nous partons pour la forêt d’Hambach. La situation est grave, mais la bonne humeur est de mise. Nous nous chargeons avec des vivres destinées à soutenir le combat des militants du camp.

Après une bonne heure et demie de route, nous arrivons enfin à l’orée de la forêt millénaire. Nous nous arrêtons au campement de base des militants, où diverses personnes nous expliquent l’organisation du camp et nous montrent leurs installations. Le camps est en autogestion, chacun étant responsable de lui-même, et les installations sont pensées pour une vie commune sereine : tente séparée pour les fumeurs, compartiment séparé dans la cuisine pour d’éventuels produits animaux, pour ne pas choquer les végétaliens. C’est que les militants d’Hambach sont très entiers, et visiblement la majorité d’entre eux ont adopté un mode d’alimentation excluant les produits animaux. Certains d’entre eux ont même construit une cave à Tofu !

Nous rencontrons divers militants dans la « tente des fumeurs », dont un grand homme à l’allure de sage. Il nous explique le défi auquel ils font face et nous propose de nous accompagner dans la forêt, jusqu’au camp arboricole. Nous acceptons.

Ce campement est impressionnant, digne de nos rêves de cabanes d’enfants les plus fous : divers militants occupent effectivement des cabanes dans la canopée, où ils restent vivre la plupart du temps. Ils chargent ces cabanes de provisions pour pouvoir tenir plusieurs jours et résister à un éventuel « siège » de la police, qui vient régulièrement détruire leur matériel et déplacer les militants.

Nous nous dirigeons ensuite vers la mine à ciel ouvert, sans les militants cette fois. L’un deux nous suggère cependant que le passage par la route toute proche, gardé par la sécurité de la société minière, est légalement utilisable par tout un chacun. Nous arrivons donc à l’entrée de la route qui mène à la mine et nous nous retrouvons devant de grandes barrières. De suite, des gardes de sécurité, visiblement très tendus, nous somment de partir sur le champ.

Persuadé que le chemin n’appartient pas à la compagnie minière et qu’ils abusent de leur pouvoir, nous insistons pour passer… Et nous finissons encerclés par une dizaine de gardes de sécurité et la police qui vient nous demander des comptes ! Il semblerait que, tout compte fait, la route ait été vendue à la compagnie minière…

Après avoir longuement vérifié nos identités, la police finit par nous laisser partir, et nous renseigne un autre point de vue, accessible celui-là, sur la mine à ciel ouvert. Nous reprenons donc la route et arrivons enfin devant cette fameuse mine. Le spectacle est presque aussi saisissant que la vue d’un ornithorynque : de gros camions, des machines énormes, dignes d’un roman de Jules Verne, la terre saignée à perte de vue par l’exploitation minière… La nuit tombant, toutes ces machines éclairent de mille feux les montagnes de lignite mises à nu. Le spectacle est à la fois impressionnant, imprégné d’une certaine beauté, et pourtant effrayant, tant son échelle semble mégalomaniaque…

Ce voyage nous a donné l’occasion de prendre conscience des réalités vécues par ces véritables résistants. Leur organisation laissait parfois à désirer, ce qui peut nuire à leur action, mais leur détermination et leurs convictions sont sans égal. Une expérience déroutante, mais définitivement enrichissante pour notre régionale !

Stéphane et Jeffrey pour écolo j Liège

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