HWEA 2016 : atelier sur les mouvements étudiants

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Jaap vient du mouvement étudiant hollandais, il habite à Amsterdam. Julian vient du mouvement étudiant au Chili et il était vice-président du syndicat étudiant de l’université catholique.

Le Chili a connu le plus grand mouvement étudiant au monde : les étudiants ont fait grève pendant 6 mois et durant cette période, la thématique a dominé l’actualité politique. Chaque semaine, le président du mouvement étudiant faisait une intervention télévisée et avait donc une tribune pour exposer différentes manières de changer le système. Le Chili connaissait en effet un très mauvais système d’éducation : les universités publiques étaient sous-financées. En même temps, tant les universités publiques que privées étaient très chères et seuls les riches pouvaient se permettre d’y aller. L’enseignement a été privatisé dans les années 80, lors de l’installation d’une dictature au Chili : ils expérimentaient alors directement le néolibéralisme (que ce soit en soins de santé, par rapport aux ressources naturelles, à l’éducation, à l’énergie -> toutes les choses de base ont été mises sur le marché). Nous pouvons voir maintenant le résultat de cette politique : le coût très élevé de l’éducation au Chili.

Les manifestations ont commencé en mai 2011 avec 20 000 personnes dans les rues, mais à la fin, en septembre, les manifestations comptaient 1 million de personnes : non seulement les étudiants, mais aussi leurs parents. C’était énorme et l’engouement autour des questions étudiantes était vraiment gigantesque : il continue d’ailleurs de l’être. Le débat portait sur comment on peut changer le système et incorporer des droits sociaux dedans. Ca a complètement changé le regard sur l’action politique. Sans ces actions, les débats politiques seraient tout différents et ce mouvement a permis de mettre à l’agenda politique des sujets qui n’y auraient jamais atteri autrement. Les partis politiques traditionnels n’apportaient pas de réponses satisfaisantes par rapport à ce qui se passait.

Un point commun entre les mouvements étudiants au Chili et aux Pays-Bas, c’est qu’ils luttent tous les deux contre les idées néolibérales, mais aussi contre l’américanisation de la société aux Pays-Bas. Jaap nous décrit le rôle particulier qu’a joué Amsterdam dans le mouvement étudiant : tout est parti de cette ville. Le principal bâtiment de l’université (là où réside l’administration), la Maagdenhuis, a été occupée durant sept semaines, ce qui constitue la plus longue occupation aux Pays-Bas. A partir de février et mars 2015, ils ont occupé le bâtiment : il s’agissait d’une action spontanée, qui n’avait pas été planifiée. Ils ont aussi organisé une grande manifestation qui a rassemblé 1500 personnes pour dénoncer l’évacuation d’une petite occupation d’un plus petit bâtiment (la Binnenhuis) qui avait été planifiée et qui était réalisée par une trentaine de personnes. Il s’agissait d’une action contre les coupures budgétaires qui avaient été effectuées dans la faculté des sciences humaines. Les coupures budgétaires s’élevaient à 3 millions d’€, ce qui n’est pas énorme quand on sait que le budget total de la faculté des sciences humaines est de 90 millions d’ €. Cette petite occupation avait été organisée d’une assez mauvaise manière, mais les autorités ne voulaient pas envoyer la police dans les premières semaines. Le Maire d’Amsterdam a commencé à négocier pour arriver à une fin pacifique, mais l’AG de la faculté n’a jamais accepté les propositions et donc, après 16 jours d’occupation la police est arrivée. Il n’y a pas eu de débordements à proprement parler, mais dans l’opinion du grand public-ci : l’occupation était en effet très fort soutenue (c’est une chose qui est commune pour les Pays-Bas et le Chili, alors qu’en Belgique ce type d’action passe très mal).

Julian nous dit que ce type d’action est assez fréquent au Chili, ça arrive quasi chaque année dans les années, mais ça constitue un vrai problème : la police intervient, il y a parfois des affrontements qui aboutissent à des étudiants qui sont sérieusement blessés. Par exemple, une fois ils sont sortis durant la nuit et ont pris des casseroles pour faire plein de bruit avec. La police est intervenue et un étudiant est mort : ça a été un gros choc dans le pays. C’est à partir de ce moment-là qu’est née l’idée qu’il fallait trouver une issue nationale à ce problème : ils fallaient faire des réformes en profondeur, mais force était de constater que le président ne les initiait pas du tout. Le président de l’époque était de droite, mais actuellement c’est une femme socialiste qui est présidente. Durant sa campagne, elle a proposé de nombreuses réformes qu’elle a effectivement réalisées, mais il n’y a pas eu un bon accueil de la population. Pour le mouvement étudiant, les réformes ne vont pas assez loin, mais pour l’establishment celles-ci vont trop loin et sont trop risquées. Le pays est polarisé : la droite ne veut aucun changement, mais la gauche et le mouvement étudiant veulent du changement dès maintenant. C’est un vrai problème politique car le président reçoit très peu de soutien.

Est-ce que ces mouvements ont réellement changé quelque chose dans la société ?

Jaap répond qu’ils n’ont pas la prétention de vouloir faire changer la politique, mais bien leur université. Et ils ont beaucoup de chance que les Pays-Bas laissent beaucoup de compétences au niveau local pour organiser l’éducation et en particulier les universités. L’influence du gouvernement sur ce sujet est très faible.
Cette semaine, ils organisent un referendum : ça revient presque à écrire une nouvelle constitution et ils soutiennent des plans radicaux pour changer leur université. Tous les étudiants, tout le corps professoral et toutes les professions liées à l’université votent. Ils travaillent pour le changement.

Est-ce que le système éducatif est plus démocratique en Belgique qu’aux Pays-Bas ? Jaap pense bien car en Belgique les étudiants participent à l’élection du recteur, ce qui n’est pas le cas aux Pays-Bas.

En Belgique, il y a aussi pas mal de plaintes contre l’élection du recteur car par exemple les étudiants ne peuvent pas toujours voter, c’est parfois seulement le corps professoral ; et quand les étudiants peuvent voter ils ne comptent que pour maximum 15% du suffrage. Les étudiants peuvent voter pour leurs représentants étudiants, mais à chaque fois la participation est assez faible. C’est une grande différence avec le Chili et les Pays-Bas : les étudiants ne semblent pas intéressés. Est-ce que c’est parce que nous avons des mouvements étudiants plus faibles ?

Julian : le système éducatif est très politisé : par exemple les partis ont des représentants dans les universités. Quand un nouveau représentant du mouvement étudiant est élu, il-elle est dans tous les journaux et constitue un acteur politique sur la scène nationale à part entière. Tout le monde le-la connaît.

Jaap : Aux Pays-Bas, le parti libéral est tout doucement en train de lancer des candidats pour les élections étudiantes : ils ne se déclarent pas réellement comme faisant partie du parti libéral, mais ont un soutien financier très important. On sent que les universités se politisent davantage.

En Belgique, c’est assez compliqué d’attirer des étudiants dans des mouvements politiques estudiantins. Une membre de Jong Groen précise que l’université ne les (=Jong Groen) cconsidère pas omme un véritable mouvement étudiant parce qu’ils sont politisés : les autres groupes étudiants peuvent faire des actions mais eux pas à cause de leur étiquette politique. Ils ne participent pas non plus aux élections étudiantes car ils pensent que le système est truqué. Le conseil étudiant a 20% des votes donc ils n’arrivent pas à vraiment influencer les décisions, mais ça permet à l’université de s’affirmer comme étant vraiment démocratique.

Un étudiant d’écolo j ULB raconte que dans leur conseil étudiants, ce sont les communistes qui sont les plus représentés. Mais dans la réalité ils ne sont pas vraiment communistes. En effet, pour le moment ils combattent l’augmentation du minerval pour les étudiants étrangers qui coûtent le quintuple d’un minerval classique. Mais le conseil étudiant n’en a pas grand chose à faire car les étudiants étrangers ne leur rapportent pas de votes.

En Belgique, on ne peut pas vraiment parler de mouvement étudiant car il est très divisé : qu’en est-il dans votre pays ?

Julian : Au Chili, le mouvement étudiant est divisé en fédérations, mais ils ont une confédération qui réunit toutes les fédérations et dans laquelle ils décident des grandes priorités. Presque toutes les fédérations sont de gauche et donc ils sont d’accord sur toute une série de sujets, ils ont un agenda commun. Ils peuvent atteindre certains objectifs par eux-mêmes et n’ont pas besoin du soutien d’autres mouvements sociaux. Par ex, le coût élevé des études est un problème pour tous les étudiants. Il y a 20 ans, seules les classes moyennes et supérieures pouvaient se permettre d’aller à l’université. Durant les dernières années, beaucoup de nouvelles universités privées sont apparues, avec une très faible qualité. Elles attirent beaucoup d’étudiants de classe modeste qui peuvent se le permettre en contractant un crédit. Ils paient donc beaucoup d’argent, contractent un crédit pour une qualité d’éducation très faible. Au Chili, on ne peut pas choisir dans quelle université on va aller : à la fin des secondaires, il y a un test qui détermine dans quel université on va nous mettre. Mais les riches ont évidemment les meilleures scores car ils sont les meilleurs en secondaire à cause d’un accompagnement plus poussé et d’un milieu qui favorise les études : c’est un cercle vicieux.

Jaap : Nous avons eu une couverture médiatique via la télévision locale : nous avons juste eu à leur dire que nous allions faire quelque chose et ils sont venus. Les médias sont très preneurs, du moins à Amsterdam, pour relayer les revendications des étudiants. Nous avons été très satisfaits de la couverture médiatique, ils sont restés toute la nuit durant l’occupation sans interruption et ils ont filmé les réunions, ce qui se passait, ont fait des interviews etx. C’était vraiment un gros événement.

Julian : Sans les réseaux sociaux, rien n’aurait été possible. Par exemple une des actions a été que chaque étudiant a mis une photo de lui sur les réseaux sociaux avec le montant de la dette qu’ils avaient. Ou une autre action a été d’organiser les funérailles de l’éducation et ils se sont tous pris en photo avec des vêtements noirs, de deuils etc et ils les ont partagé sur Facebook, Twitter, Instagram etc. Aussi, nous pouvons annoncer ce qui se prépare et tout le monde peut réagir à l’orientation qui est donnée au mouvement étudiant.

Jaap : Nous avons occupé le Maagdenhuis, qui a été aussi occupé dans les années 60. Le fait que ça soit un lieu symbolique nous a aidé. Il y a eu une sorte de concours implicite sur l’occupation qui durait le plus longtemps. Ca a généré plus de couverture médiatique. Même à droite, les gens qui étaient étudiants dans les années 60 étaient nostagiques et ils nous ont soutenu.

Est-ce que tout ça a changé quelque chose ? Oui, des lois ont changé, par exemple le fait que les conseils étudiants doivent donner leur avis sur le budget de l’université : c’est un moyen très efficace d’avoir réellement une influence sur comment l’argent est distribué et si il va bien par exemple aux professeurs et aux chercheurs et pas pour construire de nouveaux bâtiments. Pour le moment, il y a un gros débat sur la constitution et sur la gouvernance des universités : j’espère qu’il pourra y avoir des progrès sur ce sujet dans les prochains mois. En quelques années en tous les cas, on a vu les choses changer.

Au début, nous n’avions pas de but général parce que ça a démarré de manière spontanée. Ca a commencé avec les coupures budgétaires, puis il y a eu l’occupation avec un petit groupe de personne, puis l’occupation totale des bâtiments avec plein de monde, mais sans plan clair. C’était juste un groupe de gens fâchés. Puisqu’il n’y avait pas de plan clair, nous avons pu parler de démocratisation, de décentralisation et donc ça a été une grande protestation contre le fait de faire du profit dans le secteur de l’éducation. Nous avons aussi eu beaucoup de gens des syndicats qui nous ont soutenu.

Julian : Au Chili, c’est illégal pour les universités de faire du profit, mais dans les faits beaucoup en font pour le moment. Dans le primaire et le secondaire par contre, c’est permis. Nous avons trois types d’école : les privées, les publics et les chapters (l’Etat paie pour chaque étudiant, mais on peut faire du profit). C’est un moyen très facile pour faire de l’argent : tu lances une école avec un joli nom en angalais, les étudiants arrivent et l’état paie pour chacun, mais la qualité de l’enseignement est très faible. Il n’y a aucun contrôle de la qualité, tout le monde peut ouvrir une école. C’est une expérience qui a démarré aux Etats-Unis et pour le moment, ils ont beaucoup de problème avec leur éducation.

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