Lettre ouverte au Bourgmestre d’Ixelles

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“Ixelles doit rompre son jumelage avec Megiddo (Israël)!”- Lettre ouverte au Bourgmestre d’Ixelles

Bruxelles, le lundi 12 juin 2023

À l’attention de M. Christos Doulkeridis, Bourgmestre d’Ixelles

Monsieur le Bourgmestre,

 

Le mercredi 8 février, Ada Colau, la maire écologiste de Barcelone, a annoncé la suspension temporaire des partenariats de la ville avec Israël, dont le jumelage avec Tel-Aviv et ce “jusqu’à ce que les autorités israéliennes mettent fin à la violation systématique des droits humains de la population palestinienne”. Elle a précisé qu’elle avait auparavant suspendu les partenariats avec la Russie (dont le jumelage avec Saint-Pétersbourg) à la suite de l’agression russe de l’Ukraine et insisté sur le fait qu’il était important d’éviter les amalgames entre les personnes juives et la politique israélienne. Cette initiative politique courageuse, largement saluée par les défenseur·euses des droits humains, a été aussitôt relayée par d’autres municipalités à travers le monde.

 

Ainsi, en Belgique, les 24 avril et 30 mai derniers, les communes de Liège et de Verviers, les élu·es PS, Ecolo et PTB ont travaillé collectivement à la rédaction et au vote de motions appelant à suspendre tout lien existant avec Israël selon les mêmes termes qu’à Barcelone. La société civile belge solidaire avec les Palestinien·nes a chaleureusement applaudi le rôle constructif joué par ces trois partis, que l’on sait particulièrement attachés au sort des Palestinien·nes et à la recherche d’une paix juste au Proche-Orient.

 

En revanche, la majorité en place au conseil communal de la commune d’Ixelles, jumelée avec la ville palestinienne de Zababdeh depuis 2003 et avec la ville de Megiddo depuis 2012, a refusé le 22 mai dernier de prendre une mesure similaire. Megiddo est un ensemble de Kiboutz établis sur les ruines du village palestinien de Lajun, dont les habitant·es ont été expulsé·es dans leur intégralité lors de la Nakba.

 

Nous avons bien conscience que suspendre un jumelage, qui a sans nul doute été pensé dans une perspective de dialogue interculturel, n’est pas un acte politique anodin. Il faut néanmoins prendre la mesure du changement de contexte par rapport à l’époque où ce partenariat a été conclu. Voilà des années qu’on assiste à une dérive continue de la politique israélienne vers toujours plus de colonisation, de violence débridée contre les Palestinien·nes et de consolidation de la logique de suprématie raciale sur tous les territoires qu’Israël contrôle, politique qualifiée d’Apartheid par des ONG, tant israéliennes qu’internationales. Cette spirale vers le pire aboutit aujourd’hui au gouvernement israélien le plus extrémiste de son Histoire, dans lequel le Premier ministre Benyamin Netanyahou a littéralement donné les clés du contrôle des Palestinien·nes du territoire occupé aux porte-voix des colons les plus radicaux. À l’inverse des précédents gouvernements, celui-ci ne cache même plus sa volonté d’accélérer la colonisation et l’annexion et de priver les Palestinien·nes de tout droit sur le territoire qui leur est pourtant internationalement reconnu. Ainsi, l’accord de coalition du gouvernement d’extrême droite israélien actuel dénie explicitement tout droit aux Palestinien·nes sur le territoire qui leur appartient de droit, qu’il entend coloniser avec encore plus de vigueur que par le passé.

 

Ainsi, si un jumelage avec des villes réputées progressistes pouvait trouver un sens dans un contexte ou un embryon de dialogue entre les deux parties en faveur de la paix existait, ce n’est plus le cas aujourd’hui. De fait et au-delà de l’inclinaison extrémiste de l’actuelle coalition, Israël s’est employé à rendre impraticable toute perspective de solution à deux États. C’est ce qui a conduit la commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2022 à conclure qu’Israël portait seul la responsabilité du conflit. Cette situation conduit de nombreuses voix, dont celle de la rapporteuse spéciale des Nations-Unies pour les droits humains en territoire occupé, Francesca Albanese, à appeler à changer de paradigme. Ainsi, elle affirmait dans un rapport publié en octobre dernier : “Le colonialisme de peuplement, l’occupation illégale et les pratiques d’Apartheid doivent prendre fin non pas simplement par des négociations, mais plutôt par des actions internationales positives pour y mettre un terme!”.

 

C’est pourquoi la seule façon de contraindre Israël à se conformer au droit international et à cesser d’ignorer les droits des Palestinien·nes est de faire en sorte que son niveau d’isolement soit tel qu’il n’aura plus d’autre choix que de créer les conditions d’une paix juste avec les Palestinien·nes. La suspension de partenariats tels que celui entre Ixelles et Megiddo peut fortement y contribuer.

 

C’est pourquoi nous faisons appel à votre engagement pour la justice et la solidarité internationale et vous demandons instamment de consentir à cette mesure et de rejoindre ainsi le mouvement de la société civile internationale qui réclame que soit mit fin à l’impunité dont Israël bénéficie depuis trop longtemps.

 

Il serait incompréhensible que ce qui a été possible à Liège ou à Verviers ne le soit pas dans une commune progressiste telle qu’Ixelles, dont les deux partis de la majorité reconnaissent par ailleurs la réalité de l’Apartheid israélien.

 

Cette suspension n’implique bien évidemment pas de rompre pour autant le dialogue avec les secteurs progressistes de la société civile israélienne, que nous encourageons fortement. Nous nous mettons à cet égard à votre disposition pour vous aider à faire en sorte que cette suspension ne se fasse pas au détriment du travail de dialogue et de coopération réalisé sur place, notamment au profit de la ville palestinienne de Zababdeh, dont nous souhaitons le maintien du jumelage avec Ixelles.

 

Seriez-vous disposé à rencontrer une délégation de signataires de la présente lettre pour en discuter?

Nous vous remercions déjà de l’attention réservée à la présente.

Solidairement,

 

Sarah-Lou Barroo, co-présidente d’Ecolo J

Eitan Bronstein, directeur de l’association israélienne De-Colonizer

Alexis Deswaef, Vice-Président de la Fédération internationale des droits humains (FIDH)

Arianne Estenne, Présidente du Mouvement ouvrier chrétien (MOC)

Pierre Galand, Président de l’Association belgo-palestinienne (ABP)

Ali Niaz, co-président d’Ecolo J

Julien Scharpé, Secrétaire politique du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS)

Michel Staszewski, l’Union des progressistes juifs de Belgique (UPJB)

Myriam Van De Can, Palestina Solidariteit

Veronique Wemaere, directrice de SOLSOC

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