L’école reproduit-elle les inégalités qu’on retrouve dans la société ?

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Décret mixité, écoles-ghettos, élèves en décrochage, … Comment donner à tous nos enfants des chances égales pour débuter dans la vie ?

Première ébauche de réponse avec Luc Van Berlo, prof dans le secondaire et détaché pédagogique au minderhedenforum (forum des minorités) où il s’occupe en particulier des matières liées à l’enseignement et à la diversité.

Partons du postulat suivant : « À l’école, on se concentre trop sur les transmissions théoriques de savoirs, plutôt que sur la transmission créative. » La fonction de l’école est-elle de transmettre des savoirs ou de former des personnes capables de trouver des solutions ? Les deux sont nécessaires à la société.

Tous les aspects de la société ont évolué mais on se rend compte que la manière de donner cours est restée la même depuis l’obligation scolaire. Certaines techniques pourraient favoriser une école plus inclusive et réinventer la manière dont les cours sont donnés. Par exemple, Luc propose de mettre en place un système de co-teaching : deux ou plusieurs professeurs travailleraient ensemble avec une même classe, éventuellement comprenant le double d’élèves. Tandis que l’un·e pourrait donner cours de manière plus traditionnelle, l’autre pourrait avoir des attentions particulières pour les élèves en difficulté. Ce système permettrait également de rendre la fin de carrière des enseignant·e·s moins difficile, de partager les savoirs entre les professeurs expérimenté·e·s et ceux·elles en début de carrière. On peut également imaginer d’adapter les horaires, de travailler dans des groupes de grandes tailles le matin et de plus petite taille l’après-midi. Les évolutions technologiques pourraient permettre une autre approche des devoirs en les rendant plus ludiques et didactiques. L’organisation spatiale des classes peut également être repensée de manière à permettre le travail de groupe et des tâches différentes pour des élèves d’une même classe.

Selon Luc, il faut repenser la manière dont les cours sont organisés de façon à les rendre plus modulables et adaptables à l’élève. Cela permettrait de ne laisser personne de côté tout en ne ralentissant pas l’apprentissage via un nivellement par le bas et en stimulant la créativité au sein de l’école.

Et quel rôle pour les profs dans tout ça ? Car avoir la motivation de faire grandir ses élèves ne suffit pas toujours face aux difficultés rencontrées aujourd’hui par le corps enseignant. Sophie Buysse nous présente Teach for Belgium, une association créée en 2013 qui forme et accompagne de(s) (futures) enseignant·e·s qui veulent avoir un impact sur notre société, via le système éducatif.

La Belgique obtient globalement de bons résultats lors des études PISA. Cependant, celles-ci montrent que notre enseignement est l’un des plus inégalitaires d’Europe. On remarque une relation linéaire entre les résultats des élèves et leur niveau socio-économique. Malgré tout, certain·e·s élèves au niveau-socio-économique bas obtiennent des très bons résultats. C’est là qu’on voit toute l’influence que peut avoir l’enseignant·e sur sa classe.

Teach for Belgium propose à un nombre limité de candidat·e·s un programme de deux ans. Certains candidat·e·s ont déjà obtenu l’agrégation mais pour d’autres, il s’agit d’un début en tant qu’enseignant·e. Cette volonté d’intéresser également des personnes ne provenant pas du milieu scolaire vient notamment de la pénurie d’enseignant·e·s et de la volonté d’accompagner de jeunes profs qui ont une réelle envie d’avoir un impact sociétal via leur travail.

Enfin, après avoir abordé l’organisation concrète des cours et le rôle de l’enseignant·e, nous nous sommes tournés vers l’école comme lieu d’expression citoyenne des élèves via le système de délégué·e·s de classe imposé par décret aux écoles.

Les écoles réagissent de manière très différente à cette obligation nous explique Fatima Amkouy de l’asbl jeune et citoyen. Pour certaines, il s’agit d’une obligation pure et simple et le rôle de délégué·e de classe est limité à la résolution de problèmes mineurs concernant la classe. Dans d’autres écoles, un vrai espace est laissé à la mise en place de projets voulus par les élèves. Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, les délégué·e·s de classe sont livré·e·s à eux·elles-mêmes sans réel accompagnement pour assumer cette fonction pas toujours évidente à appréhender.

Sans accompagnement spécifique, cette obligation décrétale d’avoir des délégué·e·s de classe ne fait que renforcer les inégalités. Les élèves qui deviennent délégué.e.s sont ceux.elles qui ont déjà les compétences utiles à la base : ceux·elles qui savent prendre la parole en public, qui font preuve de leadership, qui ont des idées à proposer, etc.

L’asbl jeune et citoyen a pour vocation de renforcer l’autonomie des jeunes, de sensibiliser les jeunes et les adultes aux enjeux liés à l’engagement et à la participation et de promouvoir la participation locale et directe des jeunes. Par ses actions, elle œuvre à une meilleure prise en compte de la parole des jeunes au sein du milieu scolaire et à une vraie participation des élèves à la vie de leur école.

Alors, l’école est-elle reproductrice des discriminations qu’on retrouve dans la société ? Il semblerait bien que oui. Tout d’abord, bien que des mesures aient été prises pour favoriser une plus grande mixité, une plus grande prise en compte des besoins spécifiques des élèves et une meilleure participation de ceux·elles-ci, sans accompagnement, sans formations, ces mesures restent incomplètes et ne suffisent pas à elles seules à avoir un réel impact sur nos écoles et notre société. On remarque également que ces mesures n’ont pas suffit à faire évoluer l’enseignement, qui reste bloquée à une école du XIXe siècle.

Avec le Pacte d’excellence en cours de finalisation, on a bon espoir de voir arriver une évolution. Reste à voir si le temps et les moyens nécessaires à une mise en œuvre complète seront également au rendez-vous pour une vraie mutation de notre système scolaire.

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