Réflexion sur la Pride

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Réflexion sur la Pride

En 2019, les membres d’écolo j débattaient de la pertinence de participer à la Pride en tant qu’organisation de jeunesse politique, plus spécifiquement aux côtés d’un parti politique formant ainsi un front commun des vert·es écologistes. Voici des éléments de contexte et de réflexions pour mieux saisir les enjeux autour de cette participation.

Revenons d’abord aux racines des Prides

La Pride, en tant que marche, découle des émeutes de Stonewall en 1969 à New York, manifestations spontanées menées par des personnes marginalisées et rendues précaires (notamment des femmes trans, des personnes noires/racisées, des travailleur·ses du sexe, des drag queens, etc.), donnant suite à un raid de police dans un bar. Ces événements sont souvent considérés comme la première lutte des personnes LGBTQIA+ et plus largement des personnes qui ne correspondent pas à une norme cishétéronormative blanche face à un système oppressant, soutenu par les autorités. La Pride est donc un évènement de protestation et de revendication, intrinsèquement intersectionnel et contre les violences policières où les personnes les plus précaires et exclues de notre société devraient toujours être au centre.

A propos des enjeux politiques autour de la Belgian Pride

écolo j est en questionnement sur les enjeux politiques qui entourent la tenue de la Belgian Pride Parade sous sa forme actuelle.

Tout d’abord, nous tenons à rappeler que la Rainbow House a déjà fait part de son souhait que les partis politiques, dont l’extrême-droite, ne puissent plus participer à cet événement. Toutefois, la non-participation des partis politiques soulève la question du financement de cet évènement, puisque les partis sont d’actuels contributaires financiers importants. Ainsi, nous questionnons le souci de dépendance qu’engendre cela et souhaitons l’indépendance et l’autonomie de la Belgian Pride face aux partis politiques. Il nous importe que seules les associations et organisations dont l’objet social est la contribution à l’amélioration du bien-être des personnes queers1 ou/et la lutte contre les discriminations soient dans la gestion de celle-ci.

Ensuite, nous estimons qu’il est nécessaire de rehausser l’exigence des critères de participation à la Pride afin d’éviter la présence de partis et d’organisations qui contribuent activement et en tout impunité (entre-autre à travers ses membres) à la banalisation d’une forme de queerphobie, de putophobie, de xénophobie ou de racisme.

En effet, nous affirmons que toute personne doit pouvoir se sentir incluse. Ainsi, il est nécessaire d’offrir des garanties en termes de non-exclusion des personnes les plus marginalisées ou précarisées, et en ce sens, condamner la présence de l’extrême-droite qui attise la haine et la discorde. En 2019, la N-VA a pu parader sans entrave à la Pride tandis que des militant·es du cortège contestataire Reclaim the Pride ont fait l’objet d’une répression policière, sous le silence des organisateur·rices The Belgian Pride, les empêchant de prendre part à la Pride.

De plus, nous remettons en question la participation des partis politique à la marche. Étant donné que le gain électoral n’a pas sa place dans cette journée de lutte, la Pride ne devrait pas servir de vitrine politique, accaparant de fait l’agenda médiatico-politique. Bien que la Pride puisse être un espace de célébration et une manière de s’approprier l’espace public pour les personnes concerné·es, la participation dépolitisée des partis politiques (non accompagnée de revendications politiques précises) contribue à la folklorisation de cette marche historiquement politique, militante et hautement revendicative.

Plus largement, nous déplorons la dépolitisation, l’homonationalisme, le pinkwashing et la récupération marchande qui entourent cette marche, à l’instar d’une célèbre marque de glaces qui distribuait des drapeaux arc-en-ciel comme goodies de leur entreprise.

Par conséquent, nous sommes en défaveur à la participation des partis politiques. Toutefois puisque la non-participation est actuellement non-envisagée, nous encourageons les partis à s’engager à une réflexion politique sur leur présence et les modalités de celles-ci, de manière à re-politiser leur participation.

Une manière d’y aboutir pourrait être de visibiliser les élu·es et mandataires politiques queer et out, afin de visibiliser les personnes queer en politique, qui est encore un milieu assez hostile et où les logiques de dominations sont toujours omniprésentes. Nous encourageons également les militant·es écologistes à contribuer à la sécurité des militant·es de la Pride et des personnes les plus sujettes aux attaques, ainsi qu’à se porter bénévole pour assurer la logistique de l’évènement.

Pour conclure, les éléments apportés consolident notre insatisfaction quant aux conditions actuelles de participation des partis et des organisations de jeunesse politiques à leur côté. Dès lors, nous questionnons donc notre propre présence en tant qu’organisation de jeunesse alliée2. Il s’agit d’un dilemme moral non-tranché qui mériterait d’ouvrir le débat à ce sujet et de continuer à y réfléchir pour les Prides à venir.

Revendications

Voici une liste non-exhaustive de revendications queers qu’il nous semble pertinent de mobiliser lors des prochaines Prides :

I/ Droit familial – Justice fiscale – Droit social

  • Individualisation et autonomisation des droits sociaux : Puisque que les personnes queers constituent un groupe avec des risques plus élevés de tomber dans la précarité, et qu’il existe dans la société des personnes qui n’aspirent pas à vivre en couple ou dont les modes de vie ne rentrent pas dans les catégories juridiques, il semble important de repenser les régimes matrimoniaux qui poussent à être couple/marié·es à deux ;
  • Héritage : Les personnes queers sont plus sujettes aux ruptures familiales et donc peuvent se retrouver défavorisées. Repenser à une manière qui permette de léguer aux personnes qui ne sont pas ses descendant·es. Le système traduit l’hétéronormativité du droit familial ;
  • Renforcer les structures d’accueil des jeunes en rupture familiale et les former aux enjeux queers ;
  • Former les CPAS sur les questions queers et de rupture familiale : Reconnaissance du risque de précarité des personnes queers dans l’octroi des aides sociales.

II/ Santé

  • Rendre contraignante la résolution visant à interdire la mutilation des enfants intersexes ;
  • Dégenrer la nomenclature INAMI pour assurer le remboursement des soins de santé pour tous·tes, spécifiquement pour les personnes transgenres et non-binaires :
    • En ce sens, nous saluons les avancées en matière de remboursement de la contraception pour les hommes trans ;
  • Cesser la discrimination homophobe et transphobe pour le don de sang et se baser sur les comportements à risque :
    • A ce sujet, nous déplorons qu’il soit encore question de délai d’abstinence et de HSH dans le nouveau plan SOGIESC porté par Sarah Schlitz mais nous saluons l’effort des député·es ECOLO à supprimer les provisions transphobes et homophobes dans la nouvelle réforme des conditions de don de sang ;
  • Mise à jour ambitieuse du plan SOGIESC contenant des mesures concrètes pour lutter contre les violences médicales ;
  • Formation des professionnel‧les de santé (surtout en premières lignes comme les médecins généralistes, infirmier·ères, gynécologues, etc).

III/État civil

  • Conformer la législation à l’arrêt n°99/2019 du 19 juin 2019 de la Cour Constitutionnelle quant à la révocabilité du changement d’enregistrement de genre, et à l’enregistrement des personnes de genre non-binaire et/ou de genre fluide ;
  • Reporter l’enregistrement du genre à 16 ans en respect de l’autodétermination des personnes (choix entre Homme/Femme/Autre groupe nominal choisi) ;
  • Supprimer la mention de genre sur la carte d’identité, ainsi supprimer tout marqueur de genre partout où cela n’est pas nécessaire.

En ce sens, nous attendons de la part de la Secrétaire d’Etat à l’égalité des chances, Sarah Schlitz, un projet de loi ambitieux, progressif, et en respect des droits humains et de la dignité des personnes transgenres.

IV/ Éducation

  • Renforcement de l’EVRAS et formation obligatoire des enseignant·es : Sensibiliser TOUS·TES les professeur‧es à l’EVRAS et aux questions queers. Renforcer la dimension affective et relationnelle de l’EVRAS, et non uniquement le volet sexuel. Insister sur la notion de consentement :
    • En ce sens, nous tenons à souligner le travail de fond qu’effectue l’asbl O’yes ; – Vérifier l’application du cours d’EVRAS et les dispositions légales actuelles ;
  • Renforcer le cours d’éducation sexuelle et pas que dans une optique d’évitement des risques des IST ;
  • Inscrire dans la législation le respect des pronoms et des prénoms choisis par les personnes concernées dans le milieu scolaire et universitaire ;
  • Former les enseignant·es à assurer un cadre de confidentialité et de confiance pour les étudiant·es queers ou en questionnement ;
  • Inclure une perspective queer dans les différents enseignements, que ça soit à travers l’histoire des luttes queers ou des personnalités scientifiques, artistiques queers, etc.

V/ Culture

  • Encourager financièrement les projets impliquant les personnes queers et une vision intersectionnelle afin d’améliorer la représentation queer.

VI/ Recherche scientifique

  • Financement de la recherche scientifique sur les questions queers ;
  • Créer un fond de recherche pour encourager la recherche scientifique par les personnes concernées.

VII/ Justice

  • Dépénaliser la transmission du VIH ;
  • Inscrire la notion de viols et agressions sexuelles correctifs dans le code pénal.

Bien qu’évidemment incomplètes, écolo j, en tant qu’organisation alliée, souhaite porter ces revendications au niveau politique. Par ailleurs, nous nous réjouissons de la volonté du  gouvernement actuel de faire progresser les droits des personnes LGBTQIA+, notamment avec la récente ouverture d’un centre d’accueil destiné aux personnes demandeuses d’asile LGBTQI+. Et singulièrement, nous saluons l’ouverture sur le milieu associatif et l’effort porté par Sarah Schlitz de consulter les associations du terrain. Néanmoins nous invitons les écologistes ainsi que le gouvernement à multiplier davantage les efforts en vue d’améliorer les droits des personnes queers.

Le GT Queer

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1 Queer est un terme parapluie, historiquement chargé de sens, désignant toute personne LGBTQIA+ et plus largement les personnes qui sortent d’une norme de genre, d’expression de genre ou de sexualité dominante. Il s’agit d’un terme militant utilisé par les personnes concernées au sein d’écolo j, y compris les auteur·rices de ce texte.

2 Si en tant que militant·e ou organisation queer, tu as des questions, réflexions, remarques ou commentaires, n’hésite pas à nous contacter pour nous en faire part

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