Retour sur Ende Gelande

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Quand la désobéissance civile porte ses fruits…

Cinq mois après la COP21, force est de constater que les gouvernements n’ont adopté aucune mesure à hauteur de l’accord qu’ils avaient pourtant signé dans l’allégresse. C’est dans ce contexte qu’une semaine de protestations mondiales a pris place du 9 au 16 mai 2016 : de nombreux pays ont été traversés par une vague d’activisme réclamant la justice climatique !

Alors que l’Allemagne est présentée sur la scène publique comme un pays précurseur en Europe en matière d’énergie propre, la situation in situ est bien moins glorieuse. La mine de Welzow Süd appartient au troisième producteur d’électricité allemande, l’énergéticien suédois Vattenfall, et n’est rien d’autre que le second bassin minier émetteur de CO2 d’Allemagne construit en lieu et place de 136 villages rasés au cours du siècle dernier. L’extraction des énergies fossiles plus qu’active en Allemagne ne permettra pas de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C qui implique de laisser 80% des énergies dans le sol, on le sait !

écolo j ULB, qui depuis plusieurs mois déjà est présent sur la scène des revendications en réclamant le désinvestissement en énergie fossile de l’Université Libre de Bruxelles, a également pris part au mouvement protestataire. Se joignant à Ende Gelande en Lusace pour bloquer la centrale en question, le groupe campus réaffirmait son combat par une action de désobéissance civile de masse !

Alors que les organisateurs comptaient sur la participation de 800 à 900 activistes, nous étions plus de 4000 venus de 13 pays différents à s’être retrouvés à Proshim. Après une journée de trajet où les esprits s’échauffent et où les groupes affinitaires se définissent, près de 150 belges arrivent dans la nuit du 12 au 13 mai. A peine arrivés sur le camp, on nous rassemble pour nous informer de la tournure des événements ; on revoit ensemble le consensus d’action et on apprend qu’on fait partie du green finger (un hasard qui fait bien les choses). Nous n’en saurons pas plus pour le moment, la tension est palpable et la nuit sera courte.

Vendredi matin, le jour se lève sur le camp dont on découvre l’étendue et les infrastructures autogérées : douches collectives, toilettes sèches, panneaux-solaires et éoliennes, espace enfants et cantine vegan, etc. L’effervescence croit à mesure que la journée avance, chacun participe à différents ateliers en vue de se former à l’action. Alors que les « white cube » lancés lors de la COP21 sont testé pour la première fois en vue d’une action directe, d’autres membres se plongent dans des mises en situation ou encore, se proposent pour la garde rapprochée des « lock-on ». On en apprend plus sur la mission qui nous sera confiée, l’équipe verte devra bloquer l’approvisionnement de la centrale de Schwarze Pumpe !

Vers 13h, un cortège de 5 à 700 personnes prend la direction du lieu de blocage en scandant des slogans plurilingues réclamant la fin des énergies fossiles pour une vraie justice climatique ! Après avoir sillonné à travers les bois de pins voués à la destruction en vue de l’extension de la mine de Welzow Süd, nous arrivons sur les rails où seulement une poignée de policiers nous accueillent pacifiquement. Nous apprendrons plus tard que le site n’étant pas clôturé, notre installation sur les rails ne consistait pas en soi un acte de violation de propriété privée. Après quelques heures sur place, un groupe d’activistes se lance à l’assaut des tours d’acier que nous encerclions pour y établir un véritable mirador contre les réticences de la police toujours présente. Qu’à cela ne tienne, on s’installe, et on s’installe pour rester !

Et pour rester, on est resté ! 48H dans la poussière de charbon, le vent, la pluie, à dormir sur une litière de paille entre les rails de train. L’expérience est éreintante, ce qui lui donne plus de poids encore ! 48H à tuer donc, où de nombreuses activités plus ou moins efficaces sont proposées par les personnes présentes : activités sportives, ateliers de réflexions, massages, … L’ensemble du blocage aura également été ordonné par la tenue de nombreuses assemblées où est appliquée la sociocratie, pas facile à tenir avec plus de 500 personnes à considérer. Aussi, ces deux jours auront été l’occasion de se rencontrer autour d’une aspiration commune et de tisser des liens entre différents mouvements de Belgique et d’ailleurs !

En parallèle, on apprend que les autres « fingers » ont également atteint leurs cibles, la compagnie ayant anticipé notre action et déserté la quasi totalité de l’exploitation. La police ne restera cependant pas pacifique comme ça a été le cas pour nous et au cours des 48 heures, plusieurs vagues d’arrestations auront lieu.

Après maintes discussions, nous convenons de quitter le site dimanche à 15h, après avoir démonté nos installations sommaires et nettoyé tant que possible, désireux de ne pas laisser derrière nous une montagne de déchets non dégradables. C’est avec un pincement au cœur qu’on quitte notre terre d’accueil. L’accueil en fanfare à notre retour au camp est délicieux et les « peaux-sales » que nous sommes sont salués en grandes pompes, les retrouvailles de tous les activistes et la soirée n’en sont que plus festifs !

Le comble de cette semaine aura été ce dernier soir où la police, après nous avoir repoussé tout le WE, en est venue à nous protéger d’une éventuelle attaque d’un groupe de pro-Vatenfall. Une bonne nouvelle est que sur les 4000 activistes que nous étions, seul 1 personne est encore en prise avec la justice et Ende Gelande met tout en œuvre pour la soutenir au mieux.

Cette expérience nous aura laissé plus que de la poussière derrière les oreilles, elle nous aura montré que la désobéissance civile est nécessaire et fructueuse, tous ensemble nous auront bloqué et forcé l’arrêt des deux fours de la centrale ! Je terminerai avec cette dernière bonne nouvelle: chaque personne présente sur le camp aura permis d’économisé 4,4T de CO2 !

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