Retour sur | TTIP, le Traité de tous les dangers

Actions

Le TTIP, ce fameux traité de libre-échange qui se négocie depuis quelques mois entre la Commission européenne et les USA, est source chez un nombre grandissant de citoyen-ne-s des plus vives inquiétudes. Mais de quoi s’agit-il? Qu’y a-t-il de si inquiétant? Quelle est l’ampleur de la menace? Comment y réagir? Nous en avons parlé jeudi 28 août à  l’occasion des Rencontres écologiques d’été.

Afin d’y voir plus clair, nous avons convié une série d’acteurs ayant fait du combat contre la TTIP et d’autres Traités de libre-échange leur cheval de bataille.

Aperçu et principaux enjeux du TTIP

Qu’est-ce que c’est que le TTIP ? c’est l’acronyme de Transatlantic Trade and investissement partnership, en français partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI). il est également connu sous le nom de TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Agreement) ou Grand Marché Transatlantique.

Il s’agit d’un projet d’une grande densité politique, car si le TTIP passe, ça va être un tournant économique majeur pour les deux côtés de l’Atlantique. Cet accord aura une dimension historique au point qu’Hillary Clinton l’a comparé à un OTAN économique !

Les motivations politiques derrière cet accord ne sont pas complétement claires, comme nous l’a rappelé Etienne Lebeau de la CNE. Il y a des motivations économiques comme une soi-disant solution à la crise que traverse l’Europe, et des motivations géopolitiques pour faire face à la Chine et aux pays émergents.

En pratique, c’est une accumulation de chapitres et de dossiers que les deux puissances économiques – que sont l’UE et les USA – veulent négocier et ainsi contraindre l’ensemble des échanges commerciaux mondiaux vers une orientation de libéralisation généralisée. Le mandat de négociation de juin 2013 reprend l’ensemble des chapitres qui sont sur la table des négociations. Un premier paquet porte sur l’ouverture des marchés, la suppression des barrières tarifaires (droits de douane entre UE et USA), l’ouverture du marché des services (Financier, télécommunication, santé, éducation,…), l’investissement (Càd les règles et les droits qui seront imposés ou accordés aux entreprises étrangères pour investir sur le territoire européen). Un deuxième bloc de chapitres porte sur les barrières non tarifaires, c’est à dire principalement les règlementations. Et enfin un dernier bloc de chapitres qui portent entre autres sur la protection des droits de propriété intellectuelle et toute une série de règles autres que commerciales (sociales et environnementales).

Mais le principal enjeu de ce Traité en négociation, c’est la transformation du processus de décision démocratique : qui va avoir le pouvoir de décider sur les règles qui seront adoptées dans nos États ?

Ce TTIP n’est pas un simple traité commercial, le véritable enjeu est l’équilibre démocratique entre les États et les multinationales !

Cette philosophie du Marché unique est un mythe, comme nous l’a démontré Bruno Poncelet, construite sur l’illusion de la prospérité et de la croissance. Les exemples de l’ALENA et du Traité de Maastricht en sont la preuve. Il est également revenu sur le rôle joué par certains groupes de recherche et d’experts particulièrement proche des Banques et des multinationales pour nourrir cette idée de marché transatlantique. Il a mis en évidence le rôle des lobbys des multinationales qui sont les vraies instigatrices de cet accord transatlantique.

Michel Cermak est revenu sur la vision qu’a le CNCD de ces traités de libre échange et des dangers que ceux-ci représentent. Pour lui, quand on libéralise les échanges, et qu’on prétend faciliter la circulation des biens et des services à travers les frontières. Ce qui se passe concrètement, c’est qu’on facilite le tourisme des multinationales : localisation de la production au moindre coût, avec le régime fiscal le plus intéressant et exportation des produits au plus offrant.

En effet, l’histoire de ces traités de libre-échange n’a jamais entrainé une harmonisation vers le haut des normes sociales, fiscales ou environnementales, on assiste davantage à une dérégulation complète et une harmonisation des standards au plus bas.

L’Union européenne à la botte des multinationales ?

À l’époque du GATT toute une série de domaines avaient été exclus des négociations commerciales (comme l’agriculture, l’ouverture des services, la libéralisation des investissements,…), ici le mandat est clair : tout est négociable à l’exception des matières audiovisuelles…

Le mécanisme de plainte prévu par le traité est une révolution déjà en marche depuis plusieurs années dans les différents traités de libre-échange précédents.

Ici le Règlement des Différentes Investisseurs États (RDIE) sera un véritable mécanisme de pression pour les législations des États. Cette pression s’exercera par une nouvelle forme de justice privée composée d’experts acquis à la logique de libéralisation des biens et des services qui auront le moyen de contraindre les États à modifier leurs règlementations si celles-ci sont considérées comme des entraves aux profits des multinationales.

Il est clair que ce qui se joue dans ces négociations, c’est le transfert de la souveraineté de nos États en faveur des entreprises.

La démocratie en danger !

Philippe Lamberts (Co-Président du groupe des Verts au Parlement européen) et François Licoppe ( Représentant de l’Alliance D19-20) ont présenté les modes d’action à développer pour mettre un stop à ces négociations. Ils ont fait le parallèle avec le Traité ACTA et le succès de la mobilisation qui a fait en sorte que le Parlement européen vote contre ce traité. Philippe Lamberts a rappelé que cela ne pourra être possible sans une réelle mobilisation et pression citoyenne.

Il a également évoqué les soucis démocratiques qui entourent ces négociations. Les parlementaires européens ne sont pas tenus au courant de la teneur des négociations. En effet, les documents ne sont pas rendu public ou alors sous des conditions tellement strictes qu’elles ne permettent pas aux Parlementaires européens de travailler convenablement.

Le Procès

Nous avons conclu cette journée consacrée au TTIP par une mise en scène de procès. Il s’agissait davantage de confronter les arguments en faveur du Traité de libre échange tels que l’on peut les entendre dans la bouche des négociateurs européens et américains avec les arguments suscités par l’opposition des agriculteurs, des services publics, des citoyens et des consommateurs.

Il en est sorti une vive et unanime opposition de la part des participants animée par le souci de la protection des consommateurs, la perte de démocratie, le danger d’une justice privée en faveur des multinationales, le danger du tout au marché et de la privatisation des services, la compétition au moins-disant,…

Nos thématiques

Voir toutes les thématiques