Migrations, pour en finir avec l’Europe forteresse !

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2014_POSITION Politique migratoire

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En matière de migrations, écolo j observe un paradoxe fondamental : des choix politiques, économiques, sociaux, internationaux et environnementaux créent des conditions de vie conduisant une part croissante des populations locales à fuir leurs régions d’origine pour rejoindre une Europe devenue forteresse, qui se ferme de plus en plus à la circulation et aux mouvements des personnes.

La politique actuelle met en danger et tue

écolo j ne peut se satisfaire de l’état actuel des politiques de migration et d’asile. La véritable guerre contre les migrants qui est menée aux frontières et à l’intérieur de l’UE engendre des conséquences inacceptables. Elle est tout d’abord terriblement meurtrière : au moins 20.000 morts depuis le début des années 1990. Elle est ensuite en contradiction flagrante avec la dignité humaine : l’enfermement de personnes innocentes dans les nombreux centres de contrôle ou de détention des étrangers va à l’encontre des droits les plus fondamentaux. Les violations des droits humains sont aussi fréquentes lors des opérations administratives, policières et militaires déployées pour les arrestations, la traque, le maintien dans les camps et les expulsions d’individus jugés « indésirables ». Ces politiques ont un coût financier ahurissant et sans cesse croissant. En outre, elles entretiennent paradoxalement les réseaux criminels de passeurs ou de travail clandestin : le rejet des migrants dans l’illégalité alimente les conditions de précarité qui les rendent vulnérables à diverses formes d’exploitation. Enfin, ces politiques sont d’une inefficacité flagrante : malgré tous les efforts déployés, aucun des objectifs qu’elles prétendent poursuivre n’a pu être atteint ni même approché.

Nous posons donc un constat clair et évident : les politiques de fermeture des frontières se sont non seulement montrées incapables d’avoir un réel impact sur la taille des mouvements migratoires, mais elles ont contribué à rendre les migrations plus dangereuses, injustes, précaires et coûteuses qu’avant. L’idée d’une fermeture des frontières est extrêmement récente en comparaison avec l’histoire des migrations. Les êtres humains se sont en effet toujours déplacés afin de s’adapter et de chercher de meilleures conditions d’existence. À une époque où les défis écologiques, sociaux et économiques sont de plus en plus globaux, penser que le repli sur soi et la fermeture des frontières constituent des réponses adéquates relève d’une négation de la réalité.

Ce qui est inacceptable, ce n’est pas le fait que certaines personnes désirent migrer. Ce qui est inacceptable ce sont, d’une part, les inégalités et les injustices qui les empêchent de mener une vie conforme à la dignité humaine là où elles sont nées et, d’autre part, les conditions dans lesquelles ces migrations se passent. Il est donc temps de sortir de l’impasse d’une fermeture toujours plus sécuritaire et absurde des frontières pour se diriger vers l’horizon d’un droit à la migration qui serait garanti à chacun. Aborder la question de l’immigration passe aussi par la mise en œuvre d’une politique plus globale visant à redresser les inégalités et injustices subies à travers le monde.

Si l’on peut imaginer que ce droit s’établisse de façon progressive et soit assorti de certaines conditions, il est toutefois impératif de changer de perspective. La migration ne doit plus être considérée comme suspecte a priori, mais comme un projet légitime qu’il s’agit d’accompagner au mieux et d’entourer des conditions les plus favorables possibles. À l’avenir, la priorité doit être mise sur le développement de politiques garantissant à tout être humain une véritable sécurité d’existence, que ce soit dans son pays d’origine, durant son parcours migratoire ou lors de son installation dans un pays de destination.

Un diagnostic erroné ne fonde pas une bonne politique

Une bonne politique repose sur une lecture correcte des enjeux auxquels elle entend répondre. En matière de migration, la confusion et les préjugés mènent à une vision binaire qui conduit à percevoir les migrants (« eux ») comme une menace pour l’Europe (« nous »). écolo j plaide pour et développe une lecture qui rend compte de la complexité des phénomènes. Une telle lecture ne peut que conduire à la remise en question des politiques de fermeture et de sécurisation dont nous dénonçons l’inefficacité et les dangers.

Ainsi, les termes de « réfugié », « demandeur d’asile », « clandestin » ou même d’« immigré » sont régulièrement utilisés sans distinction, alors qu’ils désignent des réalités bien différentes. L’usage des termes adéquats, dans les discours publics, constitue une première étape à la déconstruction de préjugés qui nourrissent une vision tronquée des migrants et servent de terreau aux discours et mesures politiques émotionnelles, simplistes, voire populistes. De même, le (ou les appels au) durcissement des politiques européennes et nationales à l’égard des demandeurs d’asile est souvent justifié en référence à l’augmentation des demandes. Or, leur nombre n’a cessé de diminuer, pour passer de 672.385 demandes en 1992, à 235.900 en 2010 [1]. Les politiques restrictives visant les autres formes de migrations sont, quant à elles, souvent défendues en référence à la charge financière que les migrants font peser sur les états qui les accueillent. Or, bien souvent, ces migrants disposent de qualifications et les données disponibles à ce jour démontrent que leur apport fiscal est globalement positif [2]. De plus l’immigration apporte des naissances, ce qui permet de contrebalancer le vieillissement de la population belge qui n’est pas compensé à l’intérieur du pays.

Certes, ce travail sur les perceptions ne constitue pas la solution miracle. Il permet toutefois d’affiner les lectures des phénomènes migratoires et nourrit de meilleurs diagnostics. Il constitue aussi le meilleur rempart contre les discours simplistes et populistes qui n’ont jamais fourni l’ombre d’un début de réponse aux défis migratoires. À cet égard, nous jugeons qu’il est essentiel que les décideurs usent de la terminologie la plus précise et la plus adéquate lorsqu’ils posent des diagnostics et apportent des solutions aux enjeux migratoires. Enfin, nous soutenons toutes les initiatives existantes en vue de sensibiliser et éduquer les citoyens aux réalités de la migration, particulièrement au travers des médias.

Pour une Union Européenne à la hauteur de l’enjeu

La suppression des contrôles aux frontières internes dans l’espace Schengen impose à ses États membres une gestion concertée des flux migratoires, reposant sur une législation commune. Sans nier cette nécessité, écolo j craint toutefois que les orientations de la politique communautaire en matière d’immigration ne se conforment aux dispositifs législatifs étatiques les plus restrictifs et les moins respectueux des personnes.

Car c’est bien la direction d’une politique a minima qu’a prise l’Union, sous-tendue par une vision criminalisée de la migration et des migrants, comme en témoigne ironiquement l’intégration de cette matière au domaine de la politique de défense et de sécurité, et, plus concrètement, les dispositions prises par exemple pour le maintien en détention avant expulsion des étrangers en situation irrégulière [2] ou pour la restriction du droit au regroupement familial [3].

Sur le plan de l’organisation communautaire, écolo j considère l’existence d’un règlement commun comme nécessaire, notamment en vue d’instaurer une procédure unique de demande d’accès au territoire de Schengen. Ceci permet notamment d’éviter que des démarches ne soient entreprises par les requérants simultanément dans plusieurs pays, mais également, grâce à l’uniformisation des critères et procédures d’évaluation des demandes, de limiter la sélection par les états membres de certains profils de migrants. Bien sûr, cet idéal-type ne doit être atteint que par un nivellement vers le haut des mesures nationales déjà existantes. De plus, la construction de cette réglementation commune reposerait également sur l’harmonisation de l’accès à d’autres droits connexes tels que le logement, la santé, la scolarisation, l’emploi, etc. au sein de l’Espace Schengen. Sans ce préalable, une inégalité de fait existerait.

En revanche, la situation actuelle qui attribue la responsabilité du traitement des demandes au premier pays de l’UE que le migrant atteint est inadéquate. Ce dispositif crée en effet un déséquilibre entre les états, qui se traduit par un engorgement des administrations des pays du pourtour méditerranéen, avec pour conséquences un traitement trop lent des dossiers et une incapacité à garantir des conditions d’accueil décentes aux migrants. Preuve d’ailleurs de l’absurdité de ce dispositif, le refus de certains États de l’Union, appuyé par un rapport de l’agence onusienne en charge des réfugiés [4], de renvoyer vers la Grèce les demandeurs d’asile y ayant séjourné préalablement à leur arrivée sur leur territoire. En plus de l’instauration d’une procédure unique et d’une révision profonde des accords de Dublin II afin de soutenir les pays incapables de faire face aux demandes d’asile qui leur incombent, écolo j souhaite la reconnaissance et l’ouverture de canaux de migration distincts de l’asile (migrations économiques, climatiques, culturelles…).

Des droits pour les sans-droits

Aujourd’hui, les migrants sont catégorisés en vue de faciliter un traitement administratif lié à la catégorie à laquelle ils sont rattachés. L’Homme étant complexe, en ce compris également dans sa mobilité, les catégories socio-juridico-administratives sont aussi excluantes que discriminantes, se basant sur l’âge, le sexe, la situation sociale, sanitaire, matrimoniale, l’origine nationale, voire ethnique de la personne. Le classement en catégories des personnes leur ouvre ou non des droits spécifiques, mais également des droits fondamentaux (liberté de circuler, logement, travail, santé, etc.) dont sont exclus les sans-papiers ou les Européens n’ayant pas régularisé leur situation. La privation de ces droits peut aller jusqu’à (ou va de pair avec) la privation de liberté – en centre fermé, dans l’attente d’un retour forcé, ou en prison.

Concrètement, les difficultés de la migration ne s’arrêtent pas une fois que la personne est arrivée sur le territoire belge. Loin de là ! À peine arrivée, diverses obligations administratives lui incombent. Démarches souvent chronophages alors qu’une partie des migrants arrive en Belgique, sans point de chute, sans logement, sans accès aux soins de santé, sans travail, etc. Ces personnes ne sont pas pour autant sans droits. Une proposition est donc d’améliorer l’accueil des étrangers en favorisant leur mobilité, à travers une révision de la politique des visas sur la liberté de circulation des personnes. Pour écolo j, un premier pas en ce sens serait d’ouvrir le droit de séjour à tout migrant disposant d’un emploi ou d’une promesse d’embauche.

Dans l’immédiat, nous revendiquons au minimum pour tous les exclus des droits fondamentaux, dont celui à la santé, trop souvent bafoué chez les personnes les plus précaires, dont certains migrants. Pourtant, des structures locales (CPAS, hôpitaux, maisons médicales, etc.) mettent tout en œuvre pour offrir un accès aux soins de santé à toute personne, entre autre à travers l’aide médicale urgente. Pour écolo j, l’amélioration de l’accès aux soins doit passer par la systématisation du droit à l’aide matérielle durant l’examen de la demande de séjour, l’amélioration de la procédure de régularisation médicale et le principe de non-détention de personnes malades.

Notes en bas de page:

1 http://perso.uclouvain.be/frederic.docquier/articles.htm

2 http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2005/0167(COD)

3 http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigration/l33118_fr.htm

4 http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/search?page=search&docid=4b4c7c329&query=Greece

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