Pour une politique pénitentiaire plus juste et efficace !

Positions

Par la mise en perspective des constats, par notre réflexion sur les fausses et bonnes idées dont nous entendons régulièrement parler et grâce à la rencontre d’acteurs du terrain, nous prenons conscience des nombreuses difficultés auxquelles les mondes judiciaires et pénitentiaires font face, sans que cela ne fasse baisser la criminalité, n’améliore la réparation et la réinsertion. Partant de toutes ces informations et forts du rôle que veut jouer écolo j en tant qu’acteur réflexif, parfois impertinent, nous souhaitons proposer un modèle pénitentiaire que nous considérons comme meilleur et qui surmonte les obstacles financiers, sociaux, culturels, politiques ou électoralistes souvent invoqués.

Avant d ‘envisager le système carcéral idéal à mettre sur pied, il semble d ‘abord nécessaire de s ‘interroger sur le sens que l ‘on souhaite donner à la peine. Du point de vue de la victime, elle doit prioritairement lui permettre de se sentir comprise et considérée. Pour la personne reconnue coupable, la peine revêt, selon nous, un triple objectif : la punition, la réparation et la réinsertion. C ‘est sur base de ces fonctions que doit être d ‘urgence repensé le système judiciaire belge, sans angélisme mais avec une véritable volonté de tendre vers une société plus juste où il fait bon vivre.

Travailler en amont

Tout d ‘abord, il est essentiel de travailler en amont de la sanction en tant que telle. À ce niveau, la première priorité doit être la réduction des inégalités en tout genre. Elles sont le terreau d ‘importantes tensions qui engendrent inévitablement la violence au sein de la société. C’est le premier élément d’une politique de prévention, les sociétés les moins inégalitaires étant également les moins criminogènes. La prévention ne doit évidemment pas s’arrêter là  mais se construire de manière à  favoriser le vivre ensemble et à  limiter les risques de dérapages. Il est également indispensable d ‘opérer un profond remaniement de notre code pénal, vieux de deux siècles, afin de sanctionner davantage les atteintes aux personnes que les atteintes aux biens, contrairement à  ce qui se fait actuellement. En effet, il n ‘est pas normal qu ‘aujourd ‘hui le vol soit punit plus sévèrement que les coups et blessures.

La détention préventive comme moyen de protection uniquement

La présomption d ‘innocence est un principe général de droit essentiel en démocratie. Or, il est fortement mis en danger par un recours excessif à  la détention préventive. Cette solution ne doit être actionnée que dans les cas où il existe un réel risque de fuite ou de danger pour la société. Dans tous les autres cas, des alternatives doivent être encouragées comme, par exemple, le recours au bracelet électronique à  titre préventif dans l ‘attente du procès. Il est également essentiel de mettre sur pied un réel accompagnement psycho-social tant des victimes que des personnes faisant l ‘objet de poursuites judiciaires, visant à  fournir de l ‘aide et des explications à leur situation respective. Cet accompagnement ne doit en aucun cas être une manière de renoncer au principe de la présomption d’innocence, bien au contraire, mais surtout de prévenir les conséquences pour une personne de faire face à  la justice. C’est une manière d’étendre la Loi Salduz à  l’accompagnement psychosocial. La Chambre du Conseil, responsable de la décision de placer ou non une personne en détention préventive, doit également être aidée dans sa tà¢che, notamment par la présence de services sociaux qui pourraient apporter un point de vue plus circonstancié de la situation de l ‘individu.

Déployer les peines alternatives

Depuis plusieurs années, des peines alternatives à  la prison ont vu le jour. Elles sont cependant encore trop peu utilisées et il est dès lors essentiel de continuer à  les développer pour qu ‘elles rencontrent réellement les objectifs que poursuit une peine et gagnent ainsi en crédibilité. Le juge doit pouvoir choisir parmi une palette de sanctions la plus large possible afin d ‘infliger celle qu ‘il juge la plus adaptée à  la situation. Ceci doit particulièrement être le cas concernant les mineurs et passe notamment par l’augmentation des ressources dévolues aux peines alternatives à  la prison. Parmi les peines alternatives à  la prison, nous prônons notamment le développement de l’usage du bracelet électronique en tant que peine autonome et moyennant une évaluation régulière de la situation et un véritable suivi adéquat. Nous demandons également que le juge ait la possibilité de prononcer dès le départ des aménagements de peine (des sorties autorisées par exemple), des mesures d ‘éloignement, des processus de dialogue avec les victimes si elles sont demandeuses, des peines de réparation du mal qui a été causé, l’obligation d’un suivi psycho-social (sans obligation de résultat), des peines de travail d ‘intérêt général dans un milieu adéquat, le séjour dans un centre d ‘accueil ou encore, dans certains cas, la condamnation à  un régime pénitentiaire semi-ouvert.

Aider le juge dans l’évaluation de la peine

Selon nous, pour déterminer la peine la plus adéquate lorsqu’il déclare une personne coupable, le juge doit pouvoir être aidé par d ‘autres acteurs du monde judiciaire. À cette fin, nous prônons la création d ‘une commission des peines. Celle-ci aurait une compétence d ‘avis et serait composée de professionnels des secteurs judiciaire, social et médical, de représentants des maisons de justice et d ‘agents pénitentiaires. Elle serait chargée de suivre la personne suspectée dès l ‘arrestation et d ‘apporter au juge un éclairage socio-culturel au moment du jugement sur la peine.

Cette commission aurait également pour mission de donner un avis au juge sur ce qui fera l’objet d ‘une inscription au casier judiciaire, et pour quelle durée, ainsi que sur les conditions futures d ‘obtention du certificat de bonnes vie et mœurs. Celles-ci seraient en effet déterminées par le juge dès le prononcé de la peine afin d ‘éviter au maximum les obstacles que cela peut engendrer en termes de réinsertion professionnelle. En cas de peine d’emprisonnement, la commission sera chargée de remettre un avis au tribunal d’application des peines statuant sur la libération du détenu.

Rendre la prison plus humaine

La peine de privation de liberté doit rester de mise dans les cas où les individus représentent un réel danger pour la société. Dans ces situations où aucune alternative n ‘existe, il convient cependant de tenter de rendre l’enfermement le plus utile à la société et au détenu lui-même.

Ainsi, il est essentiel de prévoir un accompagnement psycho-social régulier dès le premier jour d’emprisonnement. Celui-ci sera renforcé par la désignation d’un agent référent de réinsertion propre à chaque détenu et dont le rôle sera de fixer, en discussion avec le détenu, le parcours le plus adapté en vue d’une réinsertion dans la société. Tout au long de la peine, le détenu devra pouvoir rencontrer fréquemment son référent et être suivi, à  sa demande, et de manière régulière par un psychologue. De plus, le personnel de la prison doit pouvoir se rencontrer et travailler en commun grà¢ce à  l’organisation de réunions régulières.

Dans le cadre d’un parcours de réinsertion dans la prison, nous distinguons les formations de type éducatif qui visent à apprendre les apprentissages de base (lecture, écriture,…) à ceux qui le souhaitent et celles qui ont pour objectif d’apporter une véritable qualification professionnelle au détenu. Elles ne peuvent fonctionner que sur base volontaire, sans quoi l ‘effet escompté sera nul.

Un autre élément important concerne les gardiens à  qui il est urgent de donner les moyens d ‘exercer correctement leur métier notamment en développant la formation qu ‘ils doivent suivre et en les intégrant dans les processus de décision en apportant notamment des informations sur le comportement et l’évolution du détenu pendant sa détention. De même, il semble nécessaire de créer une formation spécifique pour les directeurs de prison, ce qui n ‘est pas le cas actuellement.

Les prisons qui subsisteraient dans un système idéal seraient de petites tailles, proches du centre-ville afin d ‘être accessibles pour les familles et visiteurs et de type évolutif, c’est-à -dire que le détenu progresserait au sein de la prison au fur et à mesure de son cheminement personnel. Il y aurait certains espaces communs pour hommes et femmes, comme c ‘est le cas en Espagne, afin de diminuer globalement la violence. Des espaces seraient aussi réservés, uniquement privés selon la loi de leur droit à  la liberté et pas des autres droits, afin que les détenus puissent entretenir une intimité avec leurs proches. Enfin, il est essentiel de développer des unités où les détenus pourraient rencontrer leurs enfants dans des conditions acceptables. Les prisons doivent être pensées de manière correcte avec des cellules individuelles et collectives tenant compte des besoins des détenus. Les couleurs doivent être réfléchies. L’alimentation doit être de qualité, variée et suffisante. Les caisses d’entraide pour les détenus doivent être repensées de manière à  ne pas reposer sur les familles des détenus. Elles ne doivent pas être une occasion supplémentaire d’aggraver les inégalités entre détenus.

Nous prônons également le maintien de prisons ouvertes, à  l’extérieur des villes, qui deviendraient un lieu de passage obligé avant toute sortie définitive de prison, après évaluation par la commission des peines et décision du tribunal d ‘application des peines. Ces prisons ouvertes avec aménagement d’espaces verts, appartements supervisés… doivent permettre une réinsertion progressive.

Éviter les fonds de peines

Laisser un détenu arriver au terme de sa peine en prison représente un grand risque puisqu ‘il est relâché dans la nature sans aucune forme de suivi ou d ‘accompagnement. Il convient donc de favoriser les libérations conditionnelles afin de pouvoir mettre en place un réel accompagnement à  la sortie de prison et éviter les risques de récidive. Cet accompagnement doit être large, et pas seulement judiciaire ou professionnel, mais aussi social et psychologique. Il peut être ajouté à  un suivi dans un centre d’accueil.

Soutenir les victimes

Les victimes, quant à elles, ne doivent pas être les oubliées du système. Elles doivent au contraire être intégrées au processus judiciaire. Elles doivent bénéficier d ‘une aide psycho-sociale efficace et ce dès le départ. Elles doivent également se sentir écoutées et dès lors être entendues par la commission des peines que nous souhaitons créer afin que celle-ci tienne également compte du point de vue des victimes dans l ‘avis qu ‘elle rend au juge. Elles ne peuvent intervenir directement dans le processus de décision sur la peine, mais elles doivent pouvoir apporter des éléments d’information supplémentaires. Enfin, il est essentiel de développer tous les processus de médiation et de réparation directe des infractions afin de permettre une meilleure compréhension des différentes parties.

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