Contenu de la position
Position adoptée suite aux échanges du Congrès d'écolo j du 20 octobre 2018
Quels que soient nos choix de vie, le logement occupe une place centrale dans celle-ci. Il joue le rôle de cocon où l’on peut se ressourcer tout en ayant une grande influence sur nos relations sociales en fonction du lieu d’implantation, de sa configuration (voire de la possibilité de mobilité du logement ou de la facilité à en changer). En effet, entre village dortoir et habitat partagé, le spectre des logements proposés est vaste et chaque type d’habitat favorise des relations sociales différentes. L’accès pour tou.te.s à un logement qui correspond à nos aspirations est donc essentiel. Cet accès au logement peut se faire par l’acquisition ou par la location. écolo j n’est pas en faveur de faire de la propriété privée l’alpha et l’omega de la réussite personnelle, et se veut même plutôt une actrice de propositions alternatives. Néanmoins, il s’agit de prendre en compte le paradigme actuel et la législation en vigueur qu’il faut impérativement améliorer.
Malheureusement, à l’heure actuelle aussi bien l’acquisition que la location d’un bien deviennent de plus en plus difficile. La preuve en est : le logement représente une part de plus en plus importante du budget des ménages en Wallonie1. De plus les loyers médians augmentent plus vite que les revenus médians à Bruxelles 2.
Le logement social devrait permettre au minimum aux personnes les plus précarisées d’obtenir une location dont le prix ne représente pas un trop grand pourcentage de leur budget. Cependant, au vu de l’augmentation de la précarité3 combinée à l’augmentation des prix des loyers, de plus en plus de ménages rentrent dans les conditions d’accès à un logement social4 , sans oublier les assouplissements à l’accès5. Par ailleurs, le nombre de logements publics appartenant et gérés par les Sociétés de Logement de Service Public (SLSP)6 de la Région wallonne a diminué en 10 ans passant de 102.425 en 2007 à 99.504 en 20157. Un nombre considérable de ménages8 sont dans l’attente de l’obtention d’un logement social. Les logements pris en charge par les Agences Immobilières Sociales (AIS) en Wallonie et à Bruxelles sont quant à eux en augmentation mais ne représentent encore que quelques milliers de logements (7193 en 2012 pour 10109 en 2016).
Le logement concerne aussi les étudiant.e.s qui ne sont pas tou.te.s confronté.e.s aux mêmes possibilités : rester chez les parents n’est parfois pas faisable, parfois pas souhaitable, certains parents sont dans l’incapacité de payer un kot, et certain.e.s étudiant.e.s habitant en zone rurale et souhaitant faire des études sont contraint.e.s de louer un kot (ou une voiture) faute de transport en commun.
Finalement, il est nécessaire de viser à une meilleure inclusion des personnes handicapées au sein de notre société en permettant un accroissement de leur autonomie. Cela passe notamment par l’accès à un logement adapté, et ce conformément à la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées9 (CDPH).
Nous allons développer nos propositions concernant l’accès au logement privé puis au logement public. écolo j étant une organisation de jeunesse, nous nous attacherons ensuite à traiter le problème des logements étudiants.
1. Logements privés
L’accès à la propriété joue un rôle important dans la réduction des risques de pauvreté. En Wallonie « Le risque de pauvreté des locataires (36,2 %) est environ cinq fois supérieur à celui des propriétaires (7,6 %) »10. Les calculs sont flagrants, ceux qui achètent doivent réaliser des dépenses un peu plus importantes sur les années de crédit hypothécaire mais ressortent grands gagnants à la fin du remboursement11. Cela augmente les inégalités entre personnes précarisées et le reste de la société. C’est pourquoi il serait intéressant d’offrir la possibilité d’acheter son logement à plus de monde et de réduire les bénéfices que les multi-propriétaires peuvent faire sur leurs biens immobiliers. En effet, à l’heure actuelle, 50% des nouvelles constructions se retrouvent dans les mains d’investisseurs immobiliers12. Ces constructions ne répondent donc pas forcément aux attentes que la population peut avoir en matière de logement. Par ailleurs, l’achat d’un logement a également quelques contraintes : impossibilité de déménager rapidement après avoir déboursé les frais de notaires et bancaires liés à un achat, etc. Nous essayerons d’y répondre.
C’est pourquoi nous proposons :
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Un cadastre des loyers non plus indicatif (qui a pour seul conséquence de faire augmenter les loyers bons marchés, les propriétaires se rendant compte qu’ils peuvent être plus chers), mais bien contraignant. Cela aura des avantages multiples si le cadastre est réalisé de manière intelligente (pas comme l’actuel qui permet de louer des biens avec des trous dans les murs et pas d’isolant au prix de logements identiques entretenus et isolés) :
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Le cadastre doit intégrer le PEB dans le calcul des prix du loyer. Cette variable doit être extrêmement contraignante. Cela permettra d’isoler les logements. Le cadastre ferait baisser le prix moyen des loyers et par conséquent devrait également faire baisser la valeur des biens immobiliers rendant l’achat plus accessible et le multi-propriétarisme moins intéressant.
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Les locataires devraient pouvoir économiser un peu plus d’argent afin d’accéder à la propriété ou en tout cas, subir moins de privations.
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Concernant les multipropriétaires, il faut obliger qu’une partie de leurs biens soient mis en location via une AIS. Nous pourrions par exemple obliger les propriétaires à avoir 1/3 de leurs biens en AIS. Cela réduirait encore un peu plus le montant moyen des loyers, facilitant l’accès au logement pour les plus démuni.e.s. En mettant un chiffre d’1/3, nous ne touchons pas les propriétaires d’un (habitation propre) ou de deux logements (maison de campagne, kot pour les enfants, etc.).
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La suppression des frais d’enregistrement (0% au lieu de 6% actuellement en Région wallonne) pour les premières maisons de type modeste. Cette perte de rentrées pour l’État pourrait être compensée par un pourcentage plus élevé des frais d’enregistrement pour l’achat d’une deuxième (voire plus) habitation. Nous savons à quel point l’accès à l’achat est pour le moment difficile pour les personnes ayant un faible revenu et peu de capital. Ce sont vers elles que les aides à l’achat doivent être orientées.
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La suppression des avantages fiscaux liés à l’achat d’une habitation. Ces avantages aident beaucoup plus ceux.celles qui gagnent plus d’argent que ceux.celles qui touchent des revenus de remplacement. Cela accroît les inégalités et est une des causes de l’augmentation des placements dans l’immobilier par des gens aisés.
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D’augmenter la possibilité d’acheter son logement social. Les SLSP proposent une partie de leurs biens à la vente sous la forme suivante : après avoir payé un loyer de nombreuses années, le locataire a déboursé la valeur du logement et en devient dès lors propriétaire (éventuellement après le payement d’un montant). Un chiffre de 10% de son parc immobilier pourrait être un début permettant à un SLSP de liquider ses logements les plus anciens. Cela devrait évidemment s’accompagner de l’acquisition de nouveaux logements afin d’augmenter son offre de logements. Cette solution offre plusieurs avantages :
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Réduire le risque de précarité des propriétaires.
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Plus de mixité sociale dans les cités où le logement social se concentre car des propriétaires vont côtoyer des locataires.
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Les anciens logements des SLSP sont globalement peu isolés. L’achat du logement par un locataire poussera à terme ce dernier à réaliser des améliorations de son logement difficiles à mettre en œuvre par les SLSP (logement vide pendant les travaux, etc.)
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Si les SLSP réalisent une légère plus-value sur les ventes, cela leur permettra de faire construire/acheter/rénover des bâtiments plus récents/en meilleur état afin de lutter contre la précarité énergétique de leurs locataires.
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Continuer la lutte contre la discrimination au logement, entre autre, en informant candidat.e.s locataires et propriétaires de la législation en vigueur, des peines encourues par les propriétaires en cas de non-respect de celle-ci et des organismes vers qui se tourner en cas de discrimination. Par ailleurs, d’impliquer les communes de manière contraignante dans la vérification des annonces locatives.
L’accès à la propriété d’un logement est encore beaucoup trop souvent vu comme l’accès à un bâtiment en pierre ou en brique dont la valeur ne cesse d’augmenter. Pourtant, les attentes de la population changent et le marché de la construction évolue. L’accès à la propriété ne pourra pas se faire pour les classes les plus précaires si la seule offre possible reste les habitats traditionnels. Les habitats légers (yourtes, tiny house, cabanes en bois, préfabriqués, etc.), y compris les caravanes13, sont autant d’habitats de court ou long terme qui peuvent répondre aux besoins et aux attentes d’une partie de la population. L’attrait pour des habitats meilleurs marchés dans les plus petites villes et dans les villages, pourrait réduire la pression démographique des grandes villes et augmenter l’activité économique et sociale des zones rurales.
Par ailleurs, les habitats groupés, les habitats intergénérationnels, la copropriété et la colocation sont autant de formes d’habitat qui répondent également aux attentes d’une partie de la population et participent à la réduction de la pression démographique en optimisant l’espace habitable.
C’est pourquoi nous proposons :
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Pour autant que cela soit possible, la création de zones d’habitat vert sur chaque commune wallonne où un.e citoyen.ne en fait la demande. Ces zones devront être proches des services et commerces et ne peuvent en aucun cas remplacer une zone dédiée à l’agriculture ou à la forêt.
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Une généralisation des primes à l’isolation qui soient fonction des matériaux choisis. Les matériaux naturels (laine de bois, chanvre, liège, cellulose, paille, etc.) devraient faire l’objet de primes supérieures aux matériaux chimiques (PIR, PUR, etc.), généralement moins chers et nécessitant moins d’épaisseur14.
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Faciliter la colocation via l’individualisation des droits sociaux15, l’utilisation obligatoire de baux locatifs adaptés, la lutte contre la « discrimination à la colocation ».
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Les habitats alternatifs doivent rester un choix individuel positif et non devenir un moyen d’augmenter la précarité d’une partie de la population.
écolo j a toujours soutenu la lutte contre les logements vides dans ses pratiques (principalement en collaborant avec les squats) et dans ses positions écrites (en dénonçant le projet de loi « anti squat » en 2017). Nous considérons qu’il est insensé de laisser des logements vides alors que des centaines de milliers de ménages sont dans l’attente d’un logement à prix abordable, alors que l’étalement urbain est dramatique et surtout alors que des personnes vivent encore sans domicile fixe. Il est primordial que les autorités publiques utilisent de manière proactive le cadastre des logements vides dans toutes les communes et incitent les propriétaires des logements vides à remettre leurs biens sur le marché.
C’est pourquoi nous proposons :
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L’instauration d’une taxe dissuasive pour les propriétaires dont le bien n’est ni mis en location ou en vente (panneau sur la maison + présence sur des sites de location), ni loué, ni en cours de travaux, ni déclaré comme seconde résidence depuis au moins 3 mois. Cette taxe sera également d’application si le bien n’est pas loué 6 mois ou vendu 1 an après le début de la procédure de mise en location/vente.
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La réquisition automatique par la SLSP du secteur si le bien est vide plus de 2 ans.
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La généralisation d’une taxe sur les secondes résidences.
2. Logements publics
Si toutes les propositions développées plus haut devraient permettre à un plus large spectre de citoyen.ne.s d’acquérir un logement, nous savons qu’il restera toujours une partie de locataires non négligeable sur le marché de l’immobilier. Plusieurs propositions (cadastre des loyers, etc.) devraient avoir pour conséquence une réduction des loyers moyens et une amélioration des logements mis à disposition. Cependant, une partie de la population très précarisée a besoin de loyers encore plus faibles. C’est là que les logements sociaux interviennent. D’autres circonstances de vie (violences conjugales, naissance d’un enfant handicapé, etc.) peuvent aussi mettre les gens à la rue ou dans la nécessité d’un logement adapté. Les logements publics doivent aussi pouvoir assurer cette aide.
Il est du devoir des autorités publiques d’assurer en priorité l’accès aux logements publics aux plus démuni.e.s et aux personnes souffrant de graves problèmes familiaux (logement de transit) ou de handicaps.
C’est pourquoi nous proposons :
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L’obligation pour chaque commune d’avoir au moins 14% de logements sociaux en propriété dans les SLSP en 2022, 16% en 2025 et 18% en 2028. Au moins 20% du parc de logement social doit être adapté aux personnes en situation de handicap. Les personnes en situation de handicap faisant la demande d’un logement social sont prioritaires sur toutes les autres.
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Les logements sociaux devront être proposés en priorité aux personnes les plus précarisées. Cela veut dire que si les revenus d’un locataire augmentent fortement, il peut lui être demandé de repartir vers le parc privé moyennant un délai raisonnable de minimum 18 mois.
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L’augmentation des logements de transit16. Il devrait y avoir au moins 1 logement par 10.000 habitants sur chaque commune en 2025, avec minimum 1 habitat pour les communes de moins de 10.000 habitants.
Enfin une composante essentielle doit être intégrée dans les conditions de construction et de rénovation des logements sociaux : la durabilité environnementale du bâti. Actuellement certain.e.s locataires des logements publics ont des charges très élevées en raison d’un manque d’isolation du logement, de systèmes de chauffage thermique ou de chauffage des eaux sanitaires dépassés, etc. Les logements publics se doivent de suivre des normes environnementales ambitieuses avec pour objectif à terme d’avoir un parc composé entièrement de bâtiments basse consommation (voire 0 émission).
Il est aussi primordial que les autorités publiques prennent des initiatives pour transformer et remettre en état les bâtiments vides leur appartenant. Nous dénonçons à ce sujet leur inaction face au nombre grandissant de logements publics abandonnés dans les centres urbains de notre pays. Il est inadmissible de voir des associations17 qui ont participé à la revalorisation (culturelle et économique parfois) d’un bien, auparavant, abandonné par les autorités publiques- être expulsées par ces dernières même après une convention d’occupation, sans alternative proposée.
C’est pourquoi nous proposons :
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L’utilisation d’argent public de la Région pour la rénovation et l’amélioration énergétique du bâti communal et des SLSP. L’argent pourrait être obtenu sous forme de primes à la rénovation et à l’amélioration énergétique sur le même principe que les logements privés. Il faudrait alors agrandir l’enveloppe dévolue aux primes. L’argent pourrait provenir de la suppression des avantages fiscaux liés aux crédits hypothécaires.
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Un contrôle de la Région sur les communes pour s’assurer qu’il n’y existe pas d’immobilier communal vide. Les communes délaissant leurs biens immobiliers seraient sanctionnées. Elles seraient après une période déterminée d’abandon constaté (maximum 2 ans) contraintes de mettre leur bien à disposition d’une association locale sous forme d’emphytéose pour une durée de 25 ans. L’attribution du bien se ferait sur candidature et de manière transparente.
3. Logements étudiants
« Quel que soit le pays, voire la région, depuis près de vingt ans, le nombre d’étudiants ne cesse de croître. La demande en logement suit cette croissance. […] Dans certaines zones, la demande est telle, par rapport à l’offre disponible, que le marché immobilier est sous tension, entraînant notamment de fortes augmentations des loyers et l’impossibilité pour certains d’accéder à un logement. »18 Par ailleurs, concernant « les logements universitaires publics […], les attentes des étudiants ont évolué et le refus de vivre dans les résidences s’est développé (car elles sont considérées comme un milieu « supervisé », avec des chambres de petite taille, des sanitaires collectifs et implanté dans des campus éloignés des centres villes) »19. « Faute d’offre publique suffisante et/ou adaptée, ce sont près de 90 % de la demande étudiante qui se reporte sur le parc privé tandis que l’offre disponible dans le parc public se spécialise dans l’accueil de trois types de population : les étudiants étrangers, les nouveaux inscrits et les personnes en situation précaire. »20Le parc privé, le plus important fournisseur de logements étudiants, est colonisé par ces derniers avec pour conséquences :
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une forte demande qui favorise la hausse des loyers,
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un captage de l’offre destinée historiquement aux personnes précarisées, leur rendant l’accès au logement plus compliqué, une attention moindre portée par certain.e.s propriétaires à l’entretien du logement en raison de la mobilité des étudiant.e.s »21.
C’est pourquoi nous proposons :
- Que les logements étudiants soient aussi soumis au même cadastre des loyers contraignant que les autres logements du parc privé.
- La création d’un organisme chargé de contrôler la salubrité des logements étudiants.
- La création et la mise à disposition de logements de transit pour les étudiant.e.s dont le logement serait déclaré insalubre.
1 Passant de 2005 à 2016 , de 16 à 20% du budget des revenus du 1er quartile – http://www.slrb.irisnet.be/sites/website/files/slrb-observatoireloyer-fr-v15-web_1.pdf p60
2 Augmentation de 25% de plus de 2004 à 2014 pour l’indice de loyer médian par rapport à l’indice de revenu médianhttps://www.iweps.be/indicateur-statistique/loyers-en-wallonie/
3 Taux de risque de pauvreté : 15,5% en 2016 vs 14,6% en 2010 – http://www.luttepauvrete.be/chiffres_nombre_pauvres.htm
6 Équivalent de la SLRB (Société du logement en Région bruxelloise)
8 78.617 ménages en Wallonie et dans la région de Bruxelles en 2016, contre 75.033 en 2012 – http://www.luttepauvrete.be/chiffres_logements_sociaux.htm
9 Art. 9, §1, a ; art. 28, §1, §2, d – http://www.un.org/disabilities/documents/convention/convoptprot-f.pdf
13 En Flandre une domiciliation est déjà possible dans ces logements, pas en Wallonie
14 Des exemples existent à Bruxelles avec par exemple un supplément de 10€/m3 accordé en cas d’isolant naturel par Bruxelles environnement.
15 Arrêt de la Cour de Cassation du 9/10/2017, S.16.0084.N : https://juricaf.org/arret/BELGIQUE-COURDECASSATION-20171009-S160084N
16 Au nombre de 18 en 2015 pour toute la Région wallone – http://cehd.be/media/1089/chiffres-cl%C3%A9s-du-logement-public-en-wallo…
17 Ndlr: 123 rue royale; Squat du Gesu; TALP – https://fr.squat.net/tag/liege/