Rejet de la réforme sur l’IVG

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Article écrit par Fanny Chabeau le 27/09/2024

Rejet de la réforme sur l’IVG en Belgique

Quand cinq hommes décident de porter atteinte aux droits fondamentaux des femmes

Que proposait la reforme* ?

Proposition de loi sur base des recommandations unanimes du rapport d’expert.es et scientifiques à la chambre des représentants du 18/04/23

  • Allongement du délai à 18 semaines (contre 22 proposés par Ecolo comme préconisé par certains rapports et expert.e.s)
  • Dépénalisation totale de l’IVG pour les femmes
  • Suppression du délai de réflexion obligatoire de 6 jours
  • Amélioration de l’accès aux IVG médicamenteuses (via un assouplissement de l’accès aux médicaments nécessaires) accompagnées d’une consultation en ligne.
  • Reconnaissance de l’IVG comme un soin médical

*Rejet de la réforme proposée par le PS car les propositions conjointes d’Ecolo-Groen, du PTB-PVDA et de l’Open VLD ont été disjointes avant le vote afin de les garder dans le circuit parlementaire.

Pourquoi cette réforme est-elle essentielle ?

1. Allongement du délai pour l’avortement

L’actuel délai de 12 semaines ne correspondant pas aux réalités médicales, sociales ou psychologiques des femmes* (*femmes et/ou toute personne pouvant tomber enceinte), un allongement offrirait plus de temps pour prendre une décision éclairée sans pression et permettrait d’harmoniser la loi à ces réalités.

2. Suppression du délai de réflexion obligatoire

Le délai de réflexion obligatoire de 6 jours est paternaliste, sous-entendant que les femmes ne sont pas capables de prendre une décision autonome. Sa suppression permettrait de respecter davantage la liberté de choix et l’autonomie des femmes*.

3. Dépénalisation complète

En dépénalisant les femmes* ayant recours à l’avortement en dehors du cadre légal, la réforme vise à protéger les plus vulnérables qui, pour des raisons variées, peuvent ne pas respecter les restrictions actuelles. Cela contribuerait à réduire la stigmatisation et à garantir que l’avortement soit considéré avant tout comme une question de santé publique.

4. Réduction des inégalités

Actuellement, les personnes en situation précaire ou marginalisée (notamment celles ayant un accès limité aux soins) sont plus durement impactées par les restrictions en place. La réforme permettrait de rendre l’accès à l’avortement plus équitable et universel. Comme le mentionne le rapport, certaines femmes* peuvent recourir à un avortement tardif en raison de difficultés financières et du manque d’accès aux soins, ce qui pourrait également être réduit par l’instauration de la gratuité.

5. Alignement sur les standards européens

De nombreux pays européens ont déjà allongé le délai pour l’avortement ou supprimé les restrictions rigides. La réforme permettrait à la Belgique de se rapprocher de ces standards, garantissant ainsi une meilleure protection des droits reproductifs.

Cette réforme vise à mieux protéger l’autonomie des femmes*, à réduire la stigmatisation et à garantir que l’avortement soit traité comme un droit fondamental plutôt qu’un acte répréhensible.

Actuellement, une IVG peut coûter à peu près 500€ sans mutuelle. Le rapport des expert.es belges mentionne deux options en matière d’accessibilité à l’avortement :
  • Rendre l’IVG gratuite (comme c’est le cas au Portugal par exemple) sans intervention financière des patient.e.s ni des mutuelles
  • Inclure l’IVG dans l’Aide Médicale Urgente (AMU), ce qui faciliterait l’accès pour les personnes précaires, sans attendre l’autorisation des CPAS
Il mentionne également le lien entre gratuité et IVG tardive : certaines femmes pourraient repousser l’IVG en raison des coûts, et la gratuité permettrait de diminuer ce phénomène.

Qui a bloqué la réforme ?

Chronique d’un virage à droite annoncé

N-VA, CD&V, MR, Vooruit et Les Engagés renvoient donc le dossier au frigo (rendant maintenant la réforme quasiment impossible) prétextant vouloir éviter des « tensions » entre les partis de la future majorité. Pourtant, sous un gouvernement en affaires courantes, cette décision aurait dû être laissée aux mains des parlementaires. MR et Engagés avaient pourtant promis de laisser à leurs parlementaires la liberté de choix et G-L. Bouchez annonçait même que ce texte serait voté entre juillet et octobre 2024.

NVA : Contre l’allongement du délai

CD&V : Contre l’allongement du délai

Vooruit : En faveur de l’allongement

MR : En faveur de l’allongement

Les Engagés : Historiquement contre l’allongement du délai mais garantissent une « liberté de vote » sur la question

Nos corps ne sont pas des objets de négociation politique.

Pourquoi leur décision est problématique ?

Cinq hommes, encore une fois, décident unilatéralement de bloquer le débat, empêchent à la démocratie de jouer son rôle et surtout décident du corps des femmes*.

Alors, pas si progressiste que ça « Les Engagés » ? Pas si pro-liberté, les libéraux ?

NOS CORPS NE SONT PAS À DEBATTRE !

RDV ce samedi 28 septembre à 14H30 sur le parvis de la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles ! 

Signe la pétition d’Amnesty ! 

Historique du droit à l’avortement en Belgique

  • 3 avril 1990 : Loi Lallemand-Michielsens : Dépénalisation partielle du droit à l’avortement en Belgique (autrement dit : l’avorement fut autorisé sous certaines conditions, en cas de non respect il y a un risque de sanctions pénales)
  • Mars 2016 : Dépôt par DéFI d’une proposition de loi dépénalisant l’avortement
  • 15 octobre 2018 : Nouvelle loi sur l’avortement mais maintenance t des sanctions pénales en cas de non-respect des conditions imposées
  • Juillet 2019 : Plusieurs partis politiques (PS, Ecolo-Groen, PTB, Open VLD, DéFi, SP.A, MR) ont travaillé à un texte commun afin d’assouplir les conditions de l’IVG
  • 20 décembre 2019 : Adoption en seconde lecture du texte par les député·e·s de la Commission Justice
  • Septembre 2020 : Le gouvernement dans son accord mentionne de poursuivre l’examen des propositions de loi “après qu’un comité scientifique multidisciplinaire indépendant (désigné par les partis du gouvernement) ait mené une étude et une évaluation de la pratique et de la législation – de continuer les travaux de manière constructive pour qu’un consensus se dégage entre les partis du gouvernement et dans l’attente, de ne pas procéder au vote”.
  • Avril 2023 : Le rapport de 200 pages de ces 35 expert.es (voir point suivant) est remis au Parlement pour examen et comprend de nombreuses recommandations (reconnaissance de l’avortement comme soin de santé, décriminalisation totale, augmentation du délai à minimum 18 semaines, …)
  • 24 septembre 2024 : rejet de la proposition du PS par les cinq partis de l’Arizona (N-VA, CD&V, Vooruit, MR et Engagés)

Quelques recommandatios supplémentaires provenant du rapport d’experts d’avril 2023 :

  • Reconnaissance de l’avortement comme soin de santé
  • Suppression du délai d’attente obligatoire
  • Application des obligations en matière d’information afin de garantir le consentement éclairé des patient.es mais suppression de l’obligation légale d’informer sur l’adoption et les différentes « possibilités d’accueil » de l’enfant.
  • Décriminalisation totale de l’IVG
  • Augmentation du délai à minimum 18 semaines
  • Remédiation à la pénurie de praticien.nes de santé pratiquant l’avortement
  • Permettre et proposer des services d’avortement à distance aux patient.es qui le souhaitent avec suivi à distance également (quand cela est possible).
  • Facilitation à l’accès à l’avortement médicamenteux.

Pour aller plus loin, tu peux lire le rapport complet ici : https://vlir.be/wp-content/uploads/2023/03/Evaluatie-van-abortuswetgeving-en-praktijk_FR_versie.pdf

IVG en Belgique et ailleurs

En Belgique : Des conditions définies par la loi sous peine de sanctions pénales

  • Délai : Jusqu’à 12 semaines (avec délai de réflexion de 6j entre la première visite et l’IVG)
  • Exception si la grossesse met en danger la vie de la personne ou si le fœtus est atteint d’une affection incurable (IVG devenant alors IMG (*Interruption médicale de grossesse)
  • Si le délai est dépassé, il est toléré d’aller dans un autre pays de l’UE
  • Lieu : Dans un centre hospitalier ou en centre de planning familial
  • Pas d’accord des parents nécessaires pour les mineur.es

En France : Jusqu’à 14 semaines (sauf si IMG), entretien psychologique requis mais pas d’accord des parents.

En mars 2024 : inscription de la « liberté » d’avorter dans la constitution

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » (Art. 34 de la constitution). Le problème de cette formule est qu’elle empêche une loi d’interdire à une femme sa liberté à recourir à l’IVG mais qu’elle ne dit rien des conditions pour que cette liberté s’exerce, celles-ci étant alors définies par la loi. De plus, elle exclut délibérément les personnes trans par sa formulation (après les nombreuses modifications faites à la proposition initiale).

Aux Pays-Bas : Jusqu’à 24 semaines, étant le plus long délai d’Europe.

Cela entraîne que 10% des avortements sont réalisés sur des non-résident.es (dont on comptait 371 femmes belges en 2021). En 2022, la période de réflexion de 5j a été levée. Taux d’IVG est l’un des plus faibles (et stable) d’Europe grâce à l’importance de l’EVRAS aux Pays-Bas.

En Allemagne : Jusqu’à 12 semaines après un entretien en centre agréé.

Avortement possible après 3j. Si IMG, autorisation de deux médecins nécessaires pour dépasser la limite légale et consentement des parents obligatoire pour les mineur.es.

En Espagne : Jusqu’à 14 semaines ou 22 en cas d’IMG.

Depuis 2023, retrait du consentement parental pour les 16-17 ans. Problème : beaucoup de docteurs refusent de pratiquer l’IVG malgré la loi ce qui contraint beaucoup de personnes de se rendre dans des cliniques privées.

Recul du droit à l’avortement à travers le monde et montée de la droite

En Pologne : En 2021 : Avortement-ban avec autorisation uniquement en cas de viol, inceste et/ou si risque d’atteinte à la santé et vie de la personne enceinte.

En Hongrie : Depuis 2022, les femmes* ont l’obligation d’écouter le cœur du fœtus pour accéder à l’avortement.

Aux USA : En 2022, la cour suprême états-unienne a renversé Roe v. Wade déclarant que le droit constitutionnel à l’avortement n’existait plus. Concrètement cela signifie que chaque état peut décider de ses propres lois en matière de légalisation/(dé)pénalisation de l’avortement, ce qui a entraîné une interdiction de l’avortement (total ou partiel) dans de nombreux états. Dans les conséquences notables de cette décision portant atteinte à la vie des femmes (et AFAB), on peut noter une augmentation des décès néonatal et dans la petite enfance comme le montre une étude réalisée au Texas (Gemill A., Margerison C. E., Stuart E., et al., 2024) après l’interdiction de l’avortement en 2021, ce qui s’ajoute au taux de mortalité plus élevé chez les femmes (et AFAB) dans les états ayant des restrictions plus strictes en matière d’avortement comme le montrait déjà en 2021 une étude publiée dans l’American Journal of Public Health (Vilda D., Wallace E., Daniel C., Goldin Evans M., Stoecker C., Theall K., 2021).

 

 

Comparaison des différentes propositions de loi

Similitudes : Allongement du délai, suppression du délai de réflexion obligatoire, dépénalisation complète et reconnaissance de l’IVG comme acte médical

Différences:

  1. Consentement des mineures pour l’IVG :
    • Ecolo-Groen et PTB-PVDA abordent explicitement la question du consentement des mineures pour l’IVG. Ils prévoient que les mineures capables de discernement puissent y accéder sans consentement parental.
    • PS et Open VLD ne mentionnent pas directement cette question dans les textes. Il n’y a pas d’allusion explicite ou alternative au sujet du consentement des mineures dans leurs propositions.
  1. IVG médicamenteuse à domicile :
    • Ecolo-Groen est le seul à proposer explicitement la possibilité d’une IVG médicamenteuse à domicile, accompagnée de consultations en ligne.
    • PTB-PVDAPS, et Open VLD ne mentionnent pas spécifiquement l’IVG médicamenteuse à domicile. Cependant, ils abordent tous l’idée d’améliorer l’accès général à l’IVG, mais pas sous l’angle particulier de l’IVG médicamenteuse à domicile.
  1. Références aux normes et comparaisons internationales :
    • Ecolo-Groen et Open VLD s’appuient explicitement sur des recommandations de l’OMS, en plus de comparer les pratiques dans d’autres pays européens tels que les Pays-Bas et la Suède comme le fait également le PTB-PVDA et dans une moindre mesure le PS
  1. Motifs médicaux graves permettant l’IVG tardive :
    • PTB-PVDA et Open VLD proposent une modification des critères pour les IVG tardives, en passant de la certitude à un risque significatif pour la santé du fœtus ou de la femme.
    • PS et Ecolo-Groen ne mentionnent pas explicitement cette notion de « risque significatif ». Ils restent plus vagues concernant les critères pour les IVG tardives et n’utilisent pas cette terminologie (utilisation du « risque substantiel »).
  1. Clause de conscience et obligation de référer :
    • PTB-PVDA et Open VLD insistent sur le droit à la clause de conscience, mais avec l’obligation pour les médecins de référer la patiente à un autre praticien capable d’effectuer l’IVG.
    • PS et Ecolo-Groen ne détaillent pas spécifiquement cette obligation de référer en cas de clause de conscience. Ils abordent plus généralement la question du droit des professionnels à ne pas participer à une IVG, mais sans préciser cette exigence de redirection.
  1. Sanctions contre les obstacles à l’accès à l’IVG :
    • Open VLD propose d’imposer des sanctions contre ceux qui empêchent l’accès à l’IVG en diffusant des informations erronées ou en dissimulant des informations.
    • PSEcolo-Groen, et PTB-PVDA ne mentionnent pas explicitement ce type de sanctions contre la désinformation. Ils se concentrent plutôt sur l’amélioration de l’accès à l’IVG sans entrer dans le détail des sanctions relatives à l’obstruction.
  1. Encadrement spécifique sur l’information des patientes :
    • Open VLD propose la suppression de l’obligation d’informer les femmes sur l’adoption ou les autres options d’accueil pour l’enfant.
    • PSEcolo-Groen, et PTB-PVDA ne mentionnent pas explicitement la suppression de cette obligation, mais tous soulignent la nécessité d’une information adaptée et sur mesure. Cependant, ils ne détaillent pas comme le fait Open VLD cette spécificité concernant l’adoption et les options d’accueil.

 

Conclusion :

Dans plusieurs cas, comme pour la question du consentement des mineures, l’IVG médicamenteuse à domicile, ou les sanctions contre la désinformation, certains partis (comme PS et Open VLD) ne mentionnent pas ces aspects ni explicitement ni autrement. Dans d’autres cas, comme pour l’amélioration de l’accès à l’IVG ou l’information des patientes, des idées similaires sont présentes mais moins développées que dans certaines propositions (comme Ecolo-Groen ou PTB-PVDA).

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