Crise climatique : la fonte des glaces

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Le 6 Juin 2023, un article publié dans la revue scientifique Nature a fait parler de lui. Il annonçait la disparition de la glace de mer en Arctique à horizon 2030 : c’est près de 10 ans avant les précédentes estimations du GIEC. Mais de quoi parle-t-on exactement lorsqu’on évoque cette glace de mer ? Qu’est-ce qui se passe concrètement ? Qu’est-ce qui est nouveau et quels seront les impacts de ce phénomène ?

La fonte des glaces, c’est quoi ?

Le sujet de la fonte des glaces liée au dérèglement climatique est vaste. Il n’y a en effet pas un seul type de glaces concernées. Le GIEC distingue principalement :

  • Les glaces de mer (Arctique et Antarctique)
  • La couverture neigeuse terrestre
  • Les glaciers
  • Les calottes glacières (recouvrant principalement le Groënland et l’Antarctique)
  • Le permafrost (sol perpétuellement gelé qui recouvre notamment le Spitzberg en Norvège et sa banque mondiale de semences)

Ces distinctions sont importantes puisque la fonte de ces différentes glaces n’auront pas les mêmes conséquences.

La glace de mer Arctique c’est donc une couche de glace flottante qui ne repose sur aucune terre. C’est l’eau de mer qui gèle lors de l’hiver polaire et recouvre l’océan Arctique puis fond en été, et ce chaque année. Comme le montrent les deux figures ci-dessous extraites du suivi effectué par la Nasa, chaque année, c’est en Septembre que la surface de glace de mer Arctique est la plus faible. Ainsi, le mois de Septembre sert de référence pour étudier l’évolution de cette surface. Avec le dérèglement climatique, la fonte s’intensifie et cette couche de glace tend à disparaître.

Clique sur le graphique ci-dessous pour le visionner !

Les rapports précédents tiraient déjà la sonnette d’alarme :

Le principal critère retenu est la surface de la glace de mer (SIA = Sea Ice Area) Arctique au mois de Septembre. Le GIEC et cette nouvelle étude considèrent cette glace comme pratiquement disparue si la surface de glace de mer devient inférieure à 1 million de km².

Ces études se basent sur des observations satellites et des modèles prédictifs du climat pour estimer l’évolution de cette surface suivant différents scénarios. Ces scénarios correspondent à différentes hypothèses de choix de société qui entraineraient des impacts environnementaux plus ou moins graves. Ceux-ci permettent notamment d’estimer les trajectoires qu’il nous faudrait respecter en termes d’évolution de nos émissions de gaz à effet de serre pour respecter les engagements de laccord de Paris. Ils permettent également d’estimer les conséquences si ces engagements ne sont pas respectés.

Le GIEC considère la couverture de glace de mer Arctique comme un indicateur clé du dérèglement climatique.

Le groupe de travail 1 (WGI) du GIEC détaille les bases scientifiques qui permettent d’étudier le dérèglement climatique. Dans leur rapport publié en 2021, ce groupe de travail présentait les résultats suivants :

  • L’Arctique sera probablement vierge de glace de mer en Septembre au moins une fois d’ici 2050 dans la plupart des scénarios, ce qui signifie qu’il y aura au moins un été au cours duquel la surface de le glace de mer en Arctique sera réduite à moins d’un million de km².
  • La disparition de cette glace de mer étant liée à la concentration de gaz à effet de serre, les mois de Septembre sans glace de mer en Arctique deviendront la nouvelle norme au cours du siècle.
  • En revanche, ce phénomène n’est pas considéré comme un point de bascule puisque la surface de glace de mer est étroitement liée à la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cela signifie que si l’on réduit nos émissions, on peut espérer limiter ce phénomène à l’avenir.

 

 

 

Aujourd’hui, le diagnostic est sans appel

Le récent article publié par Yeon-Hee Kim, Seung-Ki Min, Nathan P. Gillett, Dirk Notz & Elizaveta Malinina réévalue ces simulations en les ajustant à partir de bases de données d’observations. La méthode utilisée étudie particulièrement les causes de cette fonte et les liens étroits entre ce phénomène et nos émissions de gaz à effet de serre. A la lumière de cette nouvelle étude, le premier mois de Septembre sans glace de mer en Arctique serait à prévoir bien plus tôt que prévu, dès 2030, quel que soit le scénario. Comparativement, dans les estimations précédentes, les scénarios les plus optimistes évitaient cette disparition.

L’étude attribue l’essentiel des variations observées aux émissions de gaz à effet de serre (GHG+). Celles-ci auraient un impact bien plus important que les autres causes de forçage radiatif naturelles (NAT) ou dus aux aérosols (AER). L’article évoque également les conséquences de ce phénomène : « Ceci affecterait la société humaine et l’écosystème à la fois en Arctique et hors de celui-ci en modifiant l’activité marine Arctique et en accélérant le réchauffement de l’Arctique et modifiant ainsi le cycle du carbone en Arctique »[1].

 

En conséquence…

La diminution de la surface de glace de mer entraine une diminution de l’Albedo de la terre. L’Albedo, c’est le pouvoir réfléchissant d’une surface. Les grandes surfaces blanches des pôles réfléchissent bien la lumière du soleil qui, étant renvoyée dans l’espace, participe ainsi moins à l’effet de serre. Lorsque la surface gelée diminue, la surface sombre de la mer augmente et absorbe d’autant plus de chaleur. Ce phénomène participe à ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive : une conséquence du dérèglement climatique qui tend à augmenter encore l’effet de serre et donc à accélérer sa propre cause.

La fonte de la glace de mer Arctique pourrait également entrainer des modifications des courants océaniques qui participent grandement aux climats que nous connaissons aujourd’hui notamment en Amérique du Nord et en Europe. Bien entendu, la disparition de cette couche de glace porterait également atteinte à la faune sauvage qui dépend de cet écosystème.

Malgré la boucle de rétroaction positive évoquée ci-dessus, le 6ème rapport du GIEC précise que la disparition de la glace de mer Arctique estivale ne représenterait pas pour autant un point de bascule climatique. Un point de bascule (« tipping point » en anglais), c’est le passage d’un état stable à un autre état stable. Le passage d’un point de bascule implique que le phénomène déclenché ne soit que très difficilement réversible. La raison pour laquelle la disparition de cette glace de mer n’est pas considérée comme un point de bascule est que d’autres phénomènes de rétroaction négative compenseraient la boucle de rétroaction positive que représente la diminution de l’Albedo. Par exemple, de plus grandes températures entraînent une augmentation de l’évaporation de l’eau de l’océan et donc de la création de nuages (surfaces blanches) qui à leur tour vont créer cet effet Albedo !

 

 


En bref :

  • La glace de mer qui recouvre l’océan Arctique fond. Sa fonte accélérée est due essentiellement à l’augmentation des gaz à effets de serre responsables du dérèglement climatique actuel. Ces émissions de gaz à effet de serre sont la conséquence de nos activités et  principalement de la combustion d’énergies fossiles.
  • Le 6ème rapport du GIEC estimait de premiers étés sans glace de mer à horizon 2050. De nouvelles données et simulations ont permis de revoir ces calculs et prévoient cette disparition de la glace de mer Arctique bien plus tôt : dès 2030 et ce quel que soit le scénario de notre transition.
  • Moins de glace de mer c’est plus de chaleur absorbée par la mer et donc un réchauffement planétaire encore accéléré. C’est également un espace vital qui disparaît pour la faune nordique. Ce sont aussi des courants marins perturbés. En bref ce sont de graves conséquences pour la biodiversité comme pour nos sociétés.
  • Ces nouvelles estimations sont une illustration de plus du dérèglement climatique en cours. Celui-ci se produit à un rythme plus soutenu que prévu et menace les conditions de vie sur terre. Heureusement, nos actions ont un impact. Il est urgent de réduire nos émissions de gaz à effet de serre afin de limiter les conséquences déjà bien visibles du dérèglement climatique et créer un monde viable pour nous et pour les générations futures. Et qui sait, si l’on sait réaliser cette transition, peut-être retrouverons nous de la glace de mer Arctique en Septembre.

 

 

 

– Article rédigé par Quentin Lathuilière, membre du GT Climat d’écolo j.

 

 

Sources :

  1. https://www.nature.com/articles/s41467-023-38511-8 : Kim, YH., Min, SK., Gillett, N.P. et al. Observationally-constrained projections of an ice-free Arctic even under a low emission scenario. Nat Commun 14, 3139 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-38511-8
  2. https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/chapter/chapter-9/: Fox-Kemper, B., H.T. Hewitt, C. Xiao, G. Aðalgeirsdóttir, S.S. Drijfhout, T.L. Edwards, N.R. Golledge, M. Hemer, R.E. Kopp, G. Krinner, A. Mix, D. Notz, S. Nowicki, I.S. Nurhati, L. Ruiz, J.-B. Sallée, A.B.A. Slangen, and Y. Yu, 2021: Ocean, Cryosphere and Sea Level Change. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 1211–1362, doi: 10.1017/9781009157896.011.

[1]« This would affect human society and the ecosystem both within and outside the Arctic, through changing Arctic marine activities as well as further accelerating the Arctic warming and thereby altering Arctic carbon cycling ».

 

 

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