Crise climatique : les sécheresses

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L’eau c’est sympa.

Ça permet de faire pousser des trucs, de se rafraîchir, de faire des batailles d’eau, … et même de boire ! Du coup quand on en manque ça fait parler, forcément. Entre sécheresses hivernales, restrictions d’eau et le sujet intense des mégabassines, les sécheresses et la gestion de l’eau sont des sujets récurrents dans l’actualité. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qu’est-ce qu’une sécheresse, quelles en sont les causes, pourquoi on en parle et qu’est-ce qu’on peut y faire ?

C’est quoi une sécheresse ?

Sans grande surprise : une sécheresse c’est un manque d’eau.

En pratique, on distingue généralement trois types de sécheresses [1] :

  1. la sécheresse météorologique: quand il ne pleut pas assez,
  2. la sécheresse agricole: quand la terre est trop sèche pour les cultures,
  3. la sécheresse hydrologique: quand les réserves (lacs, cours d’eau, nappes phréatiques) se vident.

 

Tout ça est une question d’équilibre entre l’eau qui rentre dans les réserves (principalement les précipitations) et celle qui en sort (consommation d’eau domestique, irrigation des terres, refroidissement des centrales électriques, évaporation, …).

En Belgique, heureusement, pour le moment l’eau ne manque pas trop [2]. Mais pour s’assurer que cela continue, il faut veiller à maintenir cet équilibre. Il existe d’ailleurs déjà des instances chargées de surveiller l’état hydrologique (donc les réserves d’eau) du territoire Belge.

Ailleurs dans le monde, la situation s’est d’ores et déjà compliquée. Car, oui, c’est une situation qui évolue : lors d’un communiqué en 2022, l’ONU reprends les chiffres de l’organisation météorologique mondiale attestant de 29 % d’augmentation des sécheresses depuis 2000. Même si les sécheresses ne sont pas un phénomène nouveau, le dérèglement climatique tend à les rendre plus fréquentes et plus sévères.

 

Qu’est-ce qui cause les sécheresses ?

Avec le dérèglement climatique, la température de l’atmosphère augmente. Elle peut alors contenir plus de vapeur d’eau : de l’ordre de +7 % d’eau dans l’atmosphère par degré Celsius d’après la relation de Clausius-Clapeyron [3]. Dans ces conditions, l’evapotranspiration de l’eau des sols et des plantes est plus importante [4]. Les plantes ont besoin de plus d’eau et les sols s’assèchent plus vite.

Lors d’une sécheresse météorologique, faute de pluie, on arrive donc plus vite à la situation de sécheresse agricole. Lorsque les cultures sont impactées, il faut les irriguer et, si la sécheresse dure, les réserves se vident : c’est la sécheresse hydrologique.

En plus de la question des cultures, les autres secteurs de consommation d’eau ont tendance à augmenter : lors des vagues de chaleur par exemple, les populations ont plus soif et cherchent à s’hydrater. De même les secteurs qui ont besoin de refroidissement (centrales électriques, data centers, …) ont également besoin de plus d’eau.

Lorsque l’eau s’accumule dans l’atmosphère, elle finit par retomber. Malheureusement, elle ne retombe pas toujours au bon endroit. Qui plus est, avec des phénomènes d’averses plus intense que par le passé (rendus eux aussi plus probables par le dérèglement climatique), les précipitations peuvent se concentrer sur une très courte période.

Un des problèmes soulevés par ces phénomènes extrêmes, c’est que si la pluie tombe en quantité, cela ne suffit pas toujours à remplir les réserves. En effet, les terres argileuses trop sèches sont moins perméables à l’eau. S’ajoutent à cela les terres artificialisées, bétonnées, de plus en plus étendues notamment en ville. La conséquence de ces sols pas ou peu perméables, c’est que les précipitations peinent à remplir les nappes phréatiques. A la place, elles s’écoulent en surface.

 

Quelles conséquences ?

Les conséquences de ces sécheresses sont multiples :

  • Restrictions d’eau : Dans un cas extrême, manquer d’eau c’est ne plus pouvoir boire à sa convenance, ni se laver ou se rafraîchir. D’autres mesures sont prises avant d’en arriver là mais celles-ci ne sont pas anodines et ne sont pas toujours suffisantes.
  • Pénuries alimentaires : Comme évoqué précédemment, les cultures peuvent souffrir du manque d’eau, ce qui impacte leur croissance et leur survie.
  • Incendies : Des terres trop sèches ce sont aussi des plantes trop sèches. Lors de vagues de chaleurs, si les arbres manquent d’eau, le risque d’incendie augmente.
  • Assèchement des cours d’eau : Des terres trop sèches ce sont également des terres moins perméables. En ne permettant pas à l’eau de s’infiltrer pour remplir les nappes phréatiques, les sécheresses agricoles amplifient donc les sécheresses hydrologiques.
  • Inondations : Lorsque l’eau ne s’infiltre pas, elle s’écoule en surface. Paradoxalement, les sécheresses augmentent donc également le risque d’inondations.
  • Détérioration des bâtiments : Lors d’alternances entre des phases de sécheresses et des phases moins sèches, on observe également un retrait-gonflement des terres argileuses. La terre se contracte (ou se dilate lorsqu’elle se gonfle d’eau) autour des fondations des bâtiments qui tendent alors à se fissurer.
  • Coupures d’électricité : L’eau des cours d’eau ou de certains lacs est utilisée pour le refroidissement de certaines installations (centrales nucléaires entre autres), les sécheresses hydrologiques peuvent donc impacter leur fonctionnement[5]. Le fonctionnement des centrales hydroélectriques pourrait également être restreint si l’eau à turbiner manquait dans les lacs de retenue ou les cours d’eau exploités.[6]

Bref, c’est un panel de situations peu souhaitables qu’il est bon de continuer à éviter.

 

Quelles solutions ?

Afin d’éviter d’en arriver là, il existe heureusement des solutions.

  • Vigilance : Il est essentiel de surveiller et de gérer les réserves d’eau. En Belgique, c’est le rôle de la cellule sécheresse Wallonne et de la commission de lutte contre la sécheresse Flamande. Certains usages pourraient par exemple être jugés non essentiels en période de sécheresse tels que l’irrigation des terrains de golf par exemple. Ceux-ci consomment en effet beaucoup d’eau tout en ne profitant qu’à une très petite part (généralement déjà privilégiée) de la population.

 

  • Evolution des techniques agricoles : Afin de préserver les réserves, des mesures pourraient être envisagées pour réduire la consommation en eau du secteur agricole afin d’assurer ses revenus ainsi que la sécurité alimentaire de la population. Il peut s’agir de privilégier des cultures naturellement peu gourmandes en eau par exemple ou d’utiliser des techniques telles que le paillage pour limiter l’évaporation et ainsi préserver l’humidité de la terre. Une autre piste encore pour combiner production d’énergie solaire et réduction des sécheresses agricoles pourrait être l’agrivoltaïsme [7]. On pourrait également considérer la part conséquente de l’agriculture qui sert à nourrir des animaux d’élevage. L’alimentation carnée consomme ainsi de grande quantités d’eau. Encourager une alimentation moins carnées voire végétarienne aiderait donc également à préserver les ressources en eau.

 

  • Végétalisation : La végétalisation des terres peut également être un outil en ville comme à la campagne.
    • En ville, l’ombre apportée par les arbres permet de réduire les phénomènes d’îlots de chaleur. L’eau que la végétation rejette dans l’air par évapotranspiration permet également de rafraichir l’espace urbain. Végétaliser les villes permettrait donc de les rendre moins sensibles aux vagues de chaleur et ainsi de réduire les besoins en eau de la population (hydratation, douches, brumisateurs, …).
    • Hors de la ville, la végétation a également un grand rôle à jouer. Les plantes emmagasinent de l’eau et aident ainsi à préserver l’humidité du sol et donc à limiter l’aridification. Par l’évapotranspiration, la végétation augmente localement l’humidité de l’air et peut augmenter les précipitations. Entretenir une végétation adaptée au dérèglement climatique ou (mieux encore) protéger les espaces naturels existants avec toute la complexité et la biodiversité qu’ils représentent permettrait donc d’avoir des précipitations plus régulières. On limiterait ainsi les périodes de sécheresses météorologiques.

 

En veillant à préserver des sols vivants et perméables, on favorise également le remplissage des nappes phréatique et on protège les habitations contre certaines inondations et le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.

Comme évoqué avec l’énergie solaire via l’agrovoltaïsme, le développement de certaines énergies renouvelables peut aider à la gestion des sécheresses. Ce serait par exemple le cas de l’hydroélectricité qui permet un certain contrôle des réserves de surface [8].

Voir plus loin

Le sujet des sécheresses est donc complexe et lié à de nombreux autres sujets tels que les incendies, les inondations ou l’autonomie énergétique.

Globalement, le meilleur moyen de se prémunir contre ces différentes catastrophes c’est de limiter le dérèglement climatique. Il s’agit de bâtir une société moins dépendante des énergies fossiles et plus à même de répondre aux besoins de la population.

Les solutions à apporter sont avant tout systémiques. Même si chaque geste compte et que les individus ont leur rôle à jouer, l’essentiel du travail est à faire du côté des institutions et des entreprises. Les chantiers sont multiples :

  • repenser nos villes pour végétaliser et les rendre plus agréables en été
  • encourager l’adoption d’une alimentation saine moins carnée[9]
  • développer des technologiques et des pratiques plus efficaces, moins gourmandes en énergie
  • assurer un suivi de nos réserves en eau
  • accompagner les agriculteurs et agricultrices pour rendre leurs cultures plus robustes aux aléas climatiques,

Le sujet des sécheresses comme ceux plus globaux du dérèglement climatique et de la crise environnementale sont des enjeux majeurs de notre siècle. Encore une fois, la transition environnementale ne se fera qu’avec la justice sociale. Il sera essentiel dans les années à venir de veiller à ce que l’eau reste un bien commun accessible à toutes et tous. Certains projets tels que les mégabassines en France ou le refroidissement de data centers en Uruguay laissent déjà craindre un certain accaparement de l’eau.

Nous avons les clés en main pour construire une société juste et agréable pour toutes et tous. Il est temps de prendre les bonnes décisions collectivement pour s’assurer, demain comme aujourd’hui, de toujours avoir le loisir de choisir entre l’eau et la bière.

 

Consulte nos autres articles : « Les feux de forêt », « La fonte des glaces » , « Les inondations », « Les canicules », « L’acidification des eaux »

-Article rédigé par Quentin Lathuilière, membre du GT Climat d’écolo j.

 


 

[1]     https://agriculture.gouv.fr/quelle-difference-entre-secheresse-aridite-manque-deau-et-stress-hydrique

[2]     https://www.meteo.be/fr/meteo/previsions/secheresse et http://etat.environnement.wallonie.be/home/Infographies/eau.html#

[3]     https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/chapter/chapter-8/#Physical#8.3.1.2

[4]     https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/chapter/chapter-8/#Physical#8.3.1.4

[5]     GIEC AR6 Groupe III 6.5.2.4 (2022) : « Droughts decrease potential cooling water for thermal power plants and increase the probability of water outlet temperatures exceeding regulatory limits, leading to lower production or shutdowns. Thermal power utilisation has been reported to be, on average, 3.8% lower during drought years globally (van Vliet et al. 2016c), and further significant decreases in available thermal power plant capacity due to climate change are projected (Koch et al. 2014; van Vliet et al. 2016b; Yalew et al. 2020). An increase in climate-related nuclear power disruptions has been reported in the past decades globally (Ahmad 2021). »

[6]     GIEC AR6 Groupe III 6.4.2.3 (2022) : « However, hydropower plants without or with small storage may be susceptible to climate variability, especially droughts, when the amount of water may not be sufficient to generate electricity (Premalatha et al. 2014) (Section 6.5). »

[7]     GIEC AR6 Groupe III 6.4.2.1 (2022) : « Combining solar and agriculture can also create income diversification, reduced drought stress, higher solar output due to radiative cooling, and other benefits (Elamri et al. 2018; Hassanpour Adeh et al. 2018; Barron-Gafford et al. 2019). »

[8]     GIEC AR6 Groupe III 6.4.2.3 (2022) : « hydropower provides flexible, competitive low-emission electricity, local economic benefits (e.g., by increasing irrigation and electricity production in developing countries), and ancillary services such as municipal water supply, irrigation and drought management, navigation and recreation, and flood control (IRENA 2021b). »

[9]  Ce point-ci est une extrapolation personnelle basée sur le fait qu’un point important est la réduction de la consommation d’eau en général. L’élevage animal étant un grand consommateur d’eau, il pourrait être un levier à activer. Par ailleurs, cette mesure aurait d’autres effets positifs puisque la végétalisation de l’alimentation est plus largement reconnue comme un des principaux enjeux pour émettre moins de gaz à effet de serre et ainsi limiter le dérèglement climatique.

Sources :

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